FRUIT A PAIN (Le) (1ère partie - Son nom)
Fruit à pain (Le)
Au Lanna : Sa-ké – สาเก
Le fruit à pain est un fruit produit par l'arbre à pain ou l'artocarpus Altilis.
La particularité de cet arbre, endémique des îles du Pacifique, est de s'être développer de deux manières différentes selon son lieu d'origine.
A Tahiti l'arbre a été cultivé pour que ses fruits se développent sans fécondation. C'est-à-dire qu'ils soient sans noyau. Ce qui a donné l'arbre à pain, ou l'artocarpus altilis variété apyrena. (*)
(*) a-pyrena vient du grec pyréno (πυρήν, πυρ_νος) qui signifie, pépin, noyau, graine d'un fruit. Le préfixe ''a'' signifiant ''sans'' apyrena veut donc dire sans noyau.
Cet arbre à pain originaire de
(*) Ce mot vient du latin seminalis, semin, semen, qui ont donné semence, graine, séminal, seminifere et ... seminifera c'est-à-dire variété à graines.
Cette précision étant faite, il faut en apporter une autre. A savoir qu'il ne faut pas confondre le fruit à pain avec le Jaque. Le jaque est le fruit du jaquier, ou de l'artocarpus heterophyllus lam ; un arbre endémique propre aux forêts des ghâts indiens. (*)
(*) Pour en savoir plus sur le jaque, il faut vous reporter sur la chronique le concernant, dans la rubrique ''TOUS SES FRUITS. ''
Planches de Pierre Sonnerat représentant le fruit à pain var.seminifera
Le fruit à pain
D'après la naturaliste Bonifas-Guizot, ce seraient les membres de l'équipage du futur amiral George Anson, (1697-1762) (*) alors commandant d'escadre qui auraient, en 1742, donné le nom de ''fruit à pain'' au fruit de l'arbre à pain.
Trente ans plus tard, Pierre Sonnerat, (1748-1814) un explorateur et naturaliste Français, le baptisera aussi du même nom après l'avoir découvert lors de son voyage aux Moluques entre 1771 et 1772. (**)
(*) Alors que l'Angleterre entrait en guerre avec l'Espagne, l'Amirauté britannique, donna pour mission au commandant George Anson de mettre à mal toutes les installations portuaires des colonies espagnoles de par le monde, et de pousser à la révolte leurs populations créoles.
Cette mission de corsaire, qui dura trois ans et neuf mois, du 18 septembre 1740 au 15 juin 1744, conduisit George Anson à faire le tour du monde.
Mais sa circonvolution maritime fut loin d'être glorieuse. Ainsi, pour échapper aux Espagnols, et après avoir perdu son escadre et plus de 95% de ses hommes, en Aout 1742, en plein Pacifique, il débarqua avec le restant de son équipage, des hommes tous atteints de scorbut, sur une des îles des Mariannes du nord, l'île de Tinian. Et là, le restant de ses deux mille hommes, c'est-à-dire quelques ''soixante et onze hommes en état de servir'', se refit une santé, grâce entre autres … au … fruit à pain … apyrena !...
En Octobre 1742, le 21, George Anson quitta Tinian pour reconstituer un équipage et poursuivre sa mission. Tout en mettant le cap sur Londres il passa par Hong Kong.
À quelques encablures de Manille, aux Philippines, la bonne fortune mis sur sa route un galion espagnol, le ''Nuestra Señora de Covadonga''. Ce vaisseau, qui venait des Amériques chargé d'or, allait livrer sa précieuse cargaison en Espagne.
Georges Anson avec seulement deux cents hommes, prenant tous les risques, aborda le galion et s'en rendit maître.
Son arrivée à Londres fut un véritable triomphe … il apportait alors un butin de plus de six cent mille livre sterling dont quatre cent mille venant du galion !...
Cependant le succès de cette équipée maritime fut beaucoup plus symbolique que militaire. Car parti à la tête d'une escadre de sept navires (*) et avec plus de deux mille hommes, George Anson ne rentrait qu'avec le centurion et une poignée de survivants de la première heure ne dépassant pas la cinquantaine !...
(*) Parmi les sept bâtiments il y avait cinq vaisseaux de guerre, le centurion, le Gloucester, le Servern, le Perle, et le Wager ; une chaloupe armée, le Tryal ; et deux navires d'avitaillement, le Camerlot et le Carmin.
(**) Pierre Sonnerat fera paraître un livre, dont il est l'auteur et le dessinateur, sous le titre de ''Illustrations de voyage à
L'arbre à pain ou l'artocarpus Altilis, appartient à la famille des moracées. Une famille qui comprend plus de mille quatre cents espèces, qui se répartissent en une quarantaine de genres, dont l'artocarpus.
L'appellation de ce genre, ''artocarpus'', qui a été donné par un botaniste Genevois, Alphonse de Candolle, (1806-1893) a été formée à partir de deux mots grecs, artos (άρτος) qui signifie pain et karpos (καρπός) qui signifie fruit.
Et puis le mot ''Altilis'' (*) lui a été rajouté pour bien différencier l'arbre à pain d'un certain nombre de ses … cousins.
Par exemple, pendant des années l'arbre à pain a été confondu avec le Jaquier, y compris par des naturalistes. Mais nous étions au début de la classification de ces types d'arbres et rien n'était alors évident. (**)
(**) Page 172 de son dictionnaire de la langue Française – Tome 3. Emile Littré (1801-1881) (**) lui-même, à son intitulé ''jaquier'' écrivait : ''Les deux espèces, artocarpus incisa et artocarpus integrifolia sont connues sous le nom d'arbres à pain. Le fruit du jaquier n'a pas de noyau, on le mange cuit et la chair en est d'un goût comparé à celui de la pomme de terre … ''.
Ce qui n'est pas vrai. Les baies du jaquier, aujourd'hui artocarpus heterophyllus contiennent toutes un noyau. Elles se mangent crues, et c'est l'artocarpus incisa qui se mange cuit, et qui a le goût de la pomme de terre. (Lire la chronique ''jaque (Le) '' sur ce sujet)
Comme tout évolue, en 1981, il y a eu la classification d'Arthur Cronquist, (1919-1992) et en 2003 la classification APG III prenant le génome des plantes comme référence de classification.
Pour apporter à la confusion, l'arbre à pain a aussi été baptisé de tout un tas de noms par les naturalistes :
- Iridaps rima, par Philibert Commerson. (1727-1773)
- Rademachia incisa, par Charles Thunberg. (1743-1828)
- Rima - fruit à pain, par Pierre Sonnerat. (1748-1814)
- Artocarpus communis J.R. Forst & G. Forst, par les Forst père (Johann Reinhold 1729-1798) et fils (Georg. 1754-1794).
Aujourd'hui tous les botanistes sont tombés d'accord sur artocarpus Altilis pour désigner l'arbre à pain. Mais là encore sous cette appellation les variétés ne manquent pas. La nature donne sans compter.
Ainsi à l'occasion d'un inventaire partiel des artocarpus altilis cultivés dans huit des îles de l'archipel de Vanuatu, un inventaire réalisé en 1983, cent trente deux noms sont apparus !... Ce qui laisse rêveur … quant à l'imagination des hommes et à leur besoin de créer des espèces de plus en plus affinées ou raffinées ?!...
En Polynésie Française, à Tahiti, le nom qui revient le plus souvent c'est celui de ''rima''. Mais il y en a bien d'autres, comme, kuru, ura, maiore !...
L'arbre à pain ou l'artocarpus Altilis, serait originaire de Mélanésie, y compris de l'Australie, (*) et son aire de diversification aurait été la Polynésie.
(*) Louis Jacolliot, (1837-1890) auteur et juge à Tahiti durant quelques années, dans son livre ''Les mangeurs de feu'' publié en 1887, chapitre IV page 549, écrit que les Nagarnooks, une tribu d'aborigènes vivant près du lac Eyréo, se nourrissaient de ''l'artocarpus ou arbre à pain que l'on a cru longtemps ne pas exister en Australie. ''
Louis Antoine de Bougainville et James Cook
Mais le rima ou l'arbre à pain ne connaîtra la notoriété auprès des Européens, qu'après les voyages à Tahiti du Français Louis Antoine de Bougainville (1729-1811) en 1768, et de l'Anglais James Cook, (1728-1779) en 1769.
À l'occasion des descriptions qu'ils feront de Tahiti, et du …rima, nombre d'auteurs vont leur emboiter le pas, et écrire que cet arbre est un miracle de la nature, et même un don de dieu.
Car un pied donne jusqu'à quatre récoltes par an, et que deux ou trois arbres suffisent à nourrir un homme durant un an.
Alors l'idée d'introduire cet arbre dans les colonies d'Amériques et d'Afrique pour nourrir la population, et surtout les esclaves, ne tarde pas à s'imposer.
En Angleterre un groupe de planteurs établi en Jamaïque demande à Sir Joseph Banks, (1743-1820) (*) un naturaliste et botaniste conseiller de George III, d'intervenir dans ce sens auprès du roi. Ce qu'il fera.
Alors le commandant William Bligh, (1754-1815) va être chargé de cette mission qui entrera dans l'histoire sous le titre de la mutinerie du Bounty. (**)
En France, pour les mêmes raisons en 1791, '' par projet généreux (sic) pour multiplier aux Antilles les moyens d'alimentation, le gouvernement Français, '' (Alors la constituante de 1789 à 1791) prescrit que l'arbre à pain serait naturalisé à
(**) Il a été rajouté à la fin de cette chronique quelques pages concernant la mutinerie du Bounty.
(***) Du côté Français, la naturalisation de l'arbre à pain en Martinique se fit sans mutinerie. Cependant lorsque les premiers fruits donnèrent, les colons, découvrir non de la pulpe farineuse, mais … des ''châtaignes''.
Par mégarde, ou par tromperie, il leur avait été livré non pas des artocarpus incisa, mais des artocarpus de incisa variété seminifera que les Antillais appellent aujourd'hui l'arbre châtaignes.
C'est donc sous la première république (1792-1799) que l'arbre à pain s'implante de par le monde, aux Amériques mais aussi en Afrique et en Asie du Sud-est.
- Sonnerat l'introduit à Maurice.
- Vers 1794, Broussonet (*) en plante à Saint Christobal de
- En 1796, Houtou de
(*) Von Humboldt (1769-1859) au départ de son expédition, (1799-1804) en Juin 1799 les découvrira ''bien acclimatés''.
(Pour en savoir plus, sur Von Humboldt, lire la chronique sur ''l'arbre à pluie''.)
Fin de la première partie.
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