CLITORIA TERNATEA Lin. 1753 (Le)
CLITORIA TERNATEA Lin. 1753 (Le)
AN CHAN (อัญชัน ou อันชัน) (*)
(*) Le mot thaïlandais ''an chan'' (อัญชัน ou อันชัน) a plusieurs significations.
1/ C'est tout à la fois notre ''clitoria ternatea Linn'' une variété de plante grimpante,
2/ le ''Dalbergia duperreana Pierre'' une variété d'arbre d'Indochine, le ''trắc'' du Vietnam et,
3/ la ''fulcia-atra'' un oiseau d'eau plus connu sous le nom de foulque macroule, souvent confondu avec la poule d'eau au point qu'en Thaïlande …
4/ ''an Chan'' désigne aussi une poule d'eau.
Le mot recouvre donc … quatre concepts qui se différencient grâce au contexte dans lequel il se trouve.
Photo 1 : Un buisson formé par des tiges de clitoria ternatea double
Photo 2 : La fleur d'un clitoria ternatea
Photo 3 : La fleur d'un clitoria ternatea double
Le clitoria ternatea Linn est une fleur qui ne passe pas inaperçu. A Chiang-maï elle est partout où elle peut s'accrocher.
Les arbustes des haies, des bosquets, ainsi que les câbles qui rejoignent le haut des poteaux électriques, sont autant de supports qui lui permettent de se hisser hors des frondaisons naissantes et de faire l'admiration de tous.
Les tout premiers botanistes firent la description du clitoria ternatea Linn. dès 1678. Le premier d'entre eux fut probablement Jacob Breyne, un marchand de Danzig passionné de botanique. Il l'appela alors ''flos clitoridis termatensibus''.
L'un de ses amis, le néerlandais Hendrik Adriaan van Rheede tot Drakenstein (1636-1691) un administrateur colonial, lui aussi passionné de botanique, le décrivit en 1688 dans le 8ème volume (p.69 t.38) de son Hortus Indicus Malabaricus (Le jardin indien du Malabar). Il porta quatre noms vernaculaires sur la planche consacrée à cette plante dont … ''Schánga-cuspi''.
Le français Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) rejoint ces pionniers de la botanique et baptisera en 1706 le genre de son spécimen ''ternatea''. (Nous reviendrons sur le mot ''ternatea'' un peu plus bas.)
Suivent pour rappel, ci-dessous, quelques uns des premiers noms botaniques devenus obsolètes de la clitoria ternatea, et les ouvrages dans lesquels ils figurent,
1/.- Flos clitoridis ternatensibus Breyne Jacob (1637-1697)
(Exoticarum … Centuria Prima - 76, t.31 – Danzig) - (1678)
2/.- Schanga-cuspi Rheede Hendrik Adriaan van (1636-1691)
(Hortus Indicus Malabaricus – Vol.8 p69 t.38) – (1688)
3/.- Phaseolus foliis pinnatis Rivinus Augustus Quirinus (1652-1723)
(Ordo Plantarum quae sunt flore irregulari tetrapetalo – Leipzig) (1691)
4/.- Phaseolus indicus caeruleus Plukenet Leonard (1642-1706)
(Almagestum 294 – Londres (1696)
5/.- Phaseolus indicus glycyrrhyzae foliis, Commelijn Jan (1629-1697)
(Horti medici amstelodamensis Vol.1 – 47 – t.24 – Amsterdam) (1697)
6/.- Ternatea flore simplici, cæruleo Tournefort Joseph Pitton.
(Mémoires de l'académie royale des sciences p.84) (1706)
7/.- Flos clitorius , flore cæruleo Burman Johannes (1707-1779)
Thesaurus Zeylanicus Catalogus plantarum Africanarum 100 – Amsterdam) (1737)
8/.- Clitoria foliis pinnatis L.
(Hortus cliffortianus p.360 de Carl von Linné et Georg Dionysius Ehret (1708-1770), une édition financée par George Clifford (1685-1760) (1737)
9/.- Flos cæruleus Rumphius Georg Eberhard (1627-1702)
(Herbarium Amboinense V.5 - 56, t. 31. (1747)
10/.- Clitoria ternatea L.
(Hortus upsaliensis p.214.) - (1748)
11/.- Clitoria ternatea L.,
(Species PIantarum – Stockholm – 1ère edition Vol.1) - (1er mai 1753)
Si le système de classification binominale de Linné et la dénomination de la plante par le même Linné, finirent par l'emporter, (La onzième dénomination ci-dessus) il y aura encore nombre de combats d'arrières gardes, comme nous allons le voir, concernant son nom … car … le puritanisme est de tous les siècles ?!...
Photo 1 : Une planche du Clitoria ternatea, appelée alors ''Schanga-cuspi'' extraite de l'Hortus Indicus Malabaricus – Vol.8 p69 t.38 paru en 1688, du néerlandais Hendrik Adriaan van Rheede (1636-1691)
Photo 2 : Une planche du Clitoria ternatea du peintre Claude Aubriet (1665-1742). Claude Aubriet accompagna Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) lors de son voyage vers le levant de 1700 à 1702 ; un voyage écourté pour cause de peste.
Cette gravure concerne un mémoire botanique de Pitton Tournefort titré : ''Suite de l'establishment de quelques nouveaux genres de plantes'' paru en 1706 page 84.
Cet original répertorié LXXXVI (86) appartient à la collection ''Les vélins du muséum d'histoire naturelle de Paris ''. (BNF – Gallica)
Photo 3 : Une lithographie de l'abbé Pierre Corneille van Geel (1796-1838) extraite du ''Sertum botanicum'' ou ''Encyclographie du règne végétal'' (1828-1832) réalisé en collaboration avec le botaniste belge Pierre Auguste Drapiez (1778-1856).
Tandis que les européens des XVIe et XVIIe siècles décrivaient et nommaient la plante qui deviendra ''clitoria ternatea'' les populations d'où il est originaire lui avaient déjà attribué un nom depuis la nuit des temps. L'on entend encore aujourd'hui en ces régions !...
(Inde) : (Assamese) : Aparajita – (Bengali) : Aparajita, Uparalita – (Gujarati) : Garani, Koyala - (Hindi) Aparajit, Aparajita, Kajina, Kalina, Kalizer, Gokarni, Koyalri, Kavathenthi, Khagin, Kowa, Wowatheti, Shobanjan, Vishnukranti - (Malayalam) : Aral, Kakkanamkoli, Sankhankuppi, Sankhapushpam – (Sanskrit) : Aparajita, Ashvakshurardikarni, Asphota, Bhadra, Bhumilagna, Dadhipushpika, Gardabhi, Gavadini, Gavakshi, Girikarkinihi, Karuvilei, Nagaparyayakarni, Nilagirikarni, Romavalli, Shveta, Shvelsyanda, Shvetavarata, Sinhapushpi, Sitapushpa, Supushpi, Suputri, Vishnukantri, Vishnukranta, Vryshapadi – (Tamil) : Kakkanam, Kakkattan, Kannikkodi, Karisanni, Karkkurattai, Karudakkovai, Karudattondai, Karuvilai, Kaurigeni, Kovalai, Kemachi, Kevari, Kigini, Kiriganni, Kiruttim, Minni, Taruganni, Uyavai, Viranu – (Telugu) : Dintena, Nellavusinitige. (Birmanie) : Bukiyu, Bukyu, oung mai phyu, pai noung ni - (Indonésie) : Kacang cepel, urek-urekan. (Laos) : Khua khau poun (L), (Malaisie) : Bonga-Biru – (Philippines) : Balog-balog (Visaya), giting princesa (Bikol), kolokanting (Tagalog) - (Sri Lanka) : Kata-rodu, Kata-rodu-wel - (Thaïlande) : An Chan (อัญชัน ou อันชัน) ; An Chan pa (อัญชันป่า), daeng Chan (แดงชัน), ham phayao (หำพะยาว) & ueang chan pa (เอื้องชันป่า) (Chiang-Mai), mak pep phi (หมากแปบผี) (Loei), kogn khao yèn (ก่องข้าวเย็น) (Ubon Ratchathani), thoua raepa (ถั่วแระป่า) (traduction : haricot sauvage) - (Vietnam) : Đậu biếc.
Puis, après la découverte de cette plante par les occidentaux, elle eut entre autres noms communs :
(Angleterre) : Butterfly pea, blue pea vine, laurel-leaved clitoria, liane madame, liane polisson, mussel-shell climber, pigeon wings ou sweet-scented pigeon wings (une espèce du centre de la Floride).
(Espagne) : Concha blanca (Désigne aussi un coquillage), Conchita azul, papito, zapotillo, zapatico de la reina.
(France) : Clitorie de Ternate, haricot des Indes, pois bleu, pois des tonnelles, pois hallier, pois papillon, (Guadeloupe) : pois savane, pois bleu, pipiche à chatte – (Martinique) : pois marron, lentille sauvage. (Réunion) liane madame, Ki poule, pistache marronne bleue.
(Portugal) : Fula criqua, aparajita.
Outre tous ces noms qui peuvent porter à confusion, parce que désignant d'autres concepts, voire d'autres plantes, il y a aussi des synonymes qui sont à prendre en considération et, dont certains ont constitué des espèces particulières propres au genre ''clitoria'' :
Les synonymes du Clitoria Ternatea sont :
(Par ordre alphabétique – liste non exhaustive.)
Clitoria albiflora Mattei 1908 - Giovanni Ettore Mattei (1865-1943)
Clitoria bracteata Poir. 1811 – Jean-Louis Marie Poiret (1755-1834)
Clitoria caelestis Hort. – Fenton John Anthony Hort (1828-1892)
Clitoria coelesti Siebert & Voss 1894 – Andréas Voss (1857-1924)
Clitoria glycinoïdes DC 1825 – Augustin Pyrame de Candolle (1778-1841)
Clitoria mariana var. mariana
Clitoria mariana L 1753 – carl von Linné (1707-1778)
Clitoria mariana Moc. & Sessé ex DC 1825 –
José Mariano Mociño (1757-1820) et Martin de Sessé y Lacasta (1751-1808)
Clitoria mearnsii De Wild. – Emile Auguste Joseph De Wildeman (1866-1947)
Clitoria parviflora Raf 1832 – Constantine Samuel Rafinesque (1783-1840)
Clitoria philippensis Perr. 1824 – George Samuel Perrottet (1793- 1870)
Clitoria pilosulla Wall 1831-1832 – Nathaniel Wallich (1786-1854)
Clitoria pilosulla Benth – george Bentham (1800-1884)
Clitoria pilosulla Wall ex Benth 1858 - Nathaniel Wallich (1786-1854)
Clitoria spectabilis (Forssk) Salisb. 1796 – Richard Anthony Salisbury (1761-1829)
Clitoria tanganicensis M.Micheli 1897 – Marc Micheli (1844-1902)
Clitoria ternatea var. alba Berhaut (invalide) 1954 – père Jean Berhaut (1902-1977)
Clitoria ternatea var. albiflora Voigt 1845 – Joachim Johann Otto Voigt (1798-1843)
Clitoria ternatea var. bracteata (Poir) DC 1825 - Augustin Pyrame de Candolle (1778-1841)
Clitoria ternatea var. Pilosulla (Benth) Baker – John Gilbert Baker (1834-1920)
Clitoria ternatensium Crantz 1766 – Heinrich Johann Nepomuk von Crantz (1722-1799)
Clitoria zanzibarensis Vatke 1878 – Wilhelm Vatke (1849-1889)
Lathyrus spectabilis Forssk 1775 – Pehr Forsskal (1732-1763)
Martiusia mariana (L) Small 1933 – John Kunkel Small (1869-1938)
Martiusia rubiginosa (Juss. ex Pers.) 1807 - Britton 1924 – Nathaniel Lord Britton (1859-1934)
Nauchea mariana (L) Descourt. 1826 – Jean-Theodore Descourtilz (1796-1855)
Nauchea ternatea Descourt.1826 – Jean-Theodore Descourtilz (1796-1855)
Neurocarpum ellipticum Desv. 1813 – Nicaise Augustin Desvaux (1784-1856)
Ternatea mariana (L) Kuntze - Otto Kuntze (1843-1907)
Ternatea ternatea (L) Kuntze - Otto Kuntze (1843-1907)
Ternatea vulgaris Kunth – Karl Sigismund Kunth (1788-1850)
Ternatea vulgaris Kuntze – Otto Kuntze (1843-1907)
Vexillaria mariana (L) Raf. 1818 - Constantine Samuel Rafinesque (1783-1840)
Vexillaria mariana (L) Eaton 1817 – Amos Eaton (1776-1842)
Photo 1 : Planche du Clitoria ternatea L. extraite du ''Moninckx atlas'' Vol. 1 t.42 de Jan Moninckx (1656-1714). L'édition de l'atlas couvrit 27 ans (1682 à 1709). La gravure provient de la librairie de l'université d'Amsterdam – collection botanique.
Photo 2 : Planche du Crotalaria guianensis Aublet devenu Clitoria guianensis (Aublet) Benth. Cette gravure est extraite de l' ''Histoire des plantes de la Guiane Françoise'' vol. IV – t.305 parue en 1775
Photo 3 : Planche 19 du Clitoria ternatea L. provenant des ''Annales de flore et de pomone'' ou ''journal des jardins et des champs'' 2ème série – Vol.4 t.19 (1846)
Photo 4 : Planche du Clitoria ternatea L. tirée de ''Familiar Indian flowers'' de Lena Lowis - chapitre X. L'œuvre a été éditée en 1881.
Signification du nom binominal :
Clitoria ternatea Lin 1753
L'origine du nom du genre : Clitoria
Sans chercher midi à quatorze heure, et toute pudibonderie mise de côté, le mot ''clitoria'' fait penser à clitoris, l'un des organes particulier et propre au sexe féminin.
Ce qui est le cas dans le cas présent, car la forme de la fleur est sans équivoque. Elle ressemble à l'organe génital extérieur de la gent féminine ; ce n'est donc pas sans raison si nombre de noms vernaculaires font allusion à ce … ''rapport''. Cependant si la fleur rappelle l'intimité féminine, ce n'est pas le mot ''vulve'' qui a été choisi et latinisé mais celui de ''clitoris'', et cela – sans doute - pour des raisons évidentes propres aux plaisirs dont il est la source ; et que chacun n'est pas sans connaître. De ce fait il est inutile d'être plus précis anatomiquement à son sujet ; alors passons à l'étymologie du mot.
Le mot ''clitoris'' viendrait du grec ''Kleitoris'' (κλειτορίς) que seul Rufus d'Ephèse (Vers 110) aurait employé. De ce fait la signification du mot varie selon les traducteurs. Pour les uns il s'agirait d'un terme dérivant tout à la fois de Klinô (κλίνω) qui signifie ''pencher'', et de Kleitus (κλειτύς) qui veut dire côte, colline ; autrement écrit un petit mont penché ou … situé entre deux pentes ou deux versants ?!...
Pour les autres, ''clitoris'' dériverait du grec Kleis (κλεις), lequel aurait pour définition ''une clef qui donne accès à … ou qui ferme à …''. Notre mot ''clef'' vient de ''kleis '' (κλείς) ?!... (Il existe d'autres traductions dont les explications ne sont pas convaincantes. Mais … ce n'est que mon avis !...)
Bref !... le lecteur a le choix entre deux propositions ; une description sans malice du sexe féminin, et une métaphore polissonne qui fait du clitoris une clef qui donne accès au plaisir ?!... Soi-dit en passant que 9.000 terminaisons nerveuses aboutissent au clitoris alors que le gland d'un pénis n'en compte que … 6.000 ?!...
En tout cas, c'est de la métaphore dont usèrent les anciens pour parler du clitoris. Ainsi, Hippocrate le définissait comme ''le serviteur qui invite les hôtes'' et au moyen âge il était appelé le ''bouton d'amour'' ?...
Il faudra attendre le XVIe siècle et plus précisément 1545 pour que des médecins comme le français Charles Estienne (1504-1564) et le néerlandais Reignier de Graaf (1641-1673) qui étudia la médecine à Anger, enrichissent notre vocabulaire de ce mot.
Un bon siècle plus tard, (133 ans) les botanistes vont se l'approprier au grand dam de certains des leurs quelque peu … pudibonds.
Un nom de genre … ''Clitore'' puis ''Clitoria'' qui chatouilla les oreilles chastes :
A chaque fois qu'il est possible, les ''pères la pudeur'' ne manquent jamais de se ridiculiser. De ce fait le nom du genre ''clitoria'' ou plus précisément ''clitore'' n'a pas été sans soulever leur indignation parce que c'était un mot qui … soi-disant … n'était pas de … ''bon goût''.
Ainsi, les premières traces écrites ou plutôt … non écrites … concernant … ''l'abominable'' choix du nom de ce genre datent de 1807 et sont le fait de l'anglais Sir James Edward Smith (1759-1828) qui, soit dit en passant, fonda en 1788 la 1ère société Linnéenne, celle de Londres, dont il fut le président jusqu'à sa mort.
En cette année de 1807 la mésentente entre les botanistes Salisbury (1761-1829) et Smith (1759-1828) atteignit son paroxysme à cause de leur désaccord sur 117 noms de plantes devant figurer dans le ''The Paradisus Londinensis'', un ouvrage en deux volumes.
Si les deux botanistes finirent par s'entendre sur un certain nombre de noms, le 51ème d'entre eux … ''Clitoria calcarigera'' par contre, restera sans contre-proposition !...
Comme aucun autre nom ne convenait à Salisbury, et qu'il s'agissait de ''sa'' découverte et de ''sa'' description, de guerre lasse, il semblerait que Smith ait fini par ''baisser les bras''.
En 1817 c'est l'étatsunien Amos Eaton (1776-1842) qui prendra le relais de cette contestation puritaine en remplaçant ''clitoria'' par ''Vexillaria''. Il réitérera sa manœuvre en 1840 en compagnie de son confrère John Wright (1811-1846) avec qui il signera un ouvrage intitulé ''Nord American Botany – Plants North of Mexico''. (Vexillaria figure en page 624 de cet ouvrage qui fut souvent réédité car … de qualité.) La pudibonderie n'exclue pas le talent … heureusement !...
Au pays de Rabelais on ne fit pas mieux, en mars 1825 dans les colonnes des annales de la société Linnéenne de Paris, c'est Jean Théodore Descourtilz (1796-1855) qui se fait épingler par quelques uns de ses pairs qui écrivirent, non sans humour, dans le ''Bulletin des sciences naturelles'' de 1825 (Volume VI) que le mot clitore devait porter atteinte à la pudeur … de son ''oreille chatouilleuse'' ?!...
Mais … ne dit-on pas ''Tel père tel fils'' ?...
Car c'est son père qui était à l'origine de sa prise de position. En effet, deux ans plutôt, Michel Etienne Descourtilz (1775-1835), avait derechef, dans son dernier ouvrage, remplacé ''clitore'' par ''nauchea'' ; un genre qu'il avait dédié au docteur Jacques-Louis Nauche (1776-1843) parce que comme ''ses'' plantes, cet honorable médecin soulageait les malades. De ce fait, dans son 8ème et dernier volume de ''Flore pittoresque et médicale des Antilles'' paru en 1823 il a écrit dans la table générale latine, ou table des matières : clitore sensible voir nauchée pudique – clitore de Virginie voire nauchée de virginie et clitore en bouclier avec clitore rouillée voir nauchée à feuilles en bouclier.
Malgré les tentatives de ces frondeurs pudiques le genre clitoria que le pasteur protestant Linné créa, sans doute à partir du terme ''clitoridis'' de Jacob Breyne (1678), finira par s'imposer. La nature et l'homme sont ce qu'ils sont, un chat est un chat et foin de l'hypocrisie.
Je me suis fait un peu plaisir en rédigeant les quelques lignes de ce chapitre mais, il y avait tant à dire sur le nom de ce genre qu'il aurait été dommage de n'en rien écrire … ne croyez-vous pas ?...
Clitoria or no clitoria là est la question ?!...
Photo 1 : Planche du clitoria calcarugera Salisb. parue en 1807 dans le ''The paradisus Londinensis'' t.51, au grand dam de Sir James Edward Smith.
Suivent trois planches extraites du 8ème et dernier volume de ''Flore pittoresque et médicale des Antilles'' paru en 1823, où Michel Etienne Descourtilz, quelque peu pudique, se justifiait par ses mots en page 334 : ''Le nom clitore avait été donné à cette classe de végétaux parce que les formes de leurs fleurs présentent une grossière ressemblance avec un organe que nous nous dispenserons de nommer. …. La découverte d'une espèce intéressante nous donne à cet égard quelques droits.'' (… d'imposer un autre nom ... comme nauchea)
Photo 2 : Planche de la nauchée pudique ou nauchéa pudica ex clitore sensible - p.333 pl.589.
Photo 3 : Planche de la nauchée de Virginie ou nauchéa de Virginie ex clitore de Virginie - p.339 pl.590.
Photo 4 : Planche de la nauchée à feuilles en bouclier ou nauchéa à feuilles en bouclier ex Clitoria en bouclier, clitoria rouillée et clitoria rubiginosa - p.343 pl.591
Nota bene : Toutes les illustrations de ''Flore pittoresque et médicale des Antilles'' sont l'œuvre de Jean Théodore Descourtilz (1796-1855), le fils de Michel Etienne Descourtilz. Un fils qui, apparemment, ne désapprouvait pas son père.
L'origine du nom de l'espèce : Ternatea
C'est le Français Joseph Pitton de Tournefort qui en 1706 dans les ''mémoires de l'académie royale des sciences'' page 84 fit usage le premier du terme de ''Ternatea'' en nommant son spécimen de future ''clitoria ternatea'' … ''Ternatea flore simplici, cæruleo''.
Une quarantaine d'année plus tard, en 1748, Linné qui commençait à mettre au point son système binominal reprit le mot en tant qu' ''espèce'' pour l'associer à clitoria alors considéré comme ''genre'' puis il porta le nom de cette plante dans son ''Hortus upsaliensis'' en page 214.
En 1825 le suisse Augustin Pyrame De Candolle (DC) (1778-1841) fait de ''ternatea'' une section du genre clitoria. Puis Karl Sigismund Kunth (1788-1850) dans son ''Nova Genera'' écrit en collaboration avec Aimé Jacques Alexandre Bonpland (1773-1858), 6ème volume, page 415 paru en 1823 lui redonne sa qualité d'espèce qui sera reprise par nombre de botanistes.
Le mot ternatea est une latinisation botanique de ternate, qui n'est autre que le nom d'une île de l'archipel des Moluques, qui comme de nombreux autres fut rattaché à l'Indonésie. Cet archipel est situé tout au sud des Philippines. Géographiquement il est comme pris en étau, à l'est par les îles Célèbes (Sulawesi) et à l'ouest par l'Irian ex Irian Jawa ou Papouasie occidentale, qui elles aussi sont indonésiennes.
Les Moluques sont constitués d'un bon millier d'îles dont les plus grandes, Halmaera, Seram et Buru, sont loin d'avoir la notoriété des plus petites comme Ternate et Amboine pour ne citer que ces deux là.
L'abréviation botanique :
Linn est la norme abréviative de Car von Linné (1707-1778). Ce pasteur et médecin suédois était un passionné de botanique persuadé que la création était une œuvre entièrement aboutie ; autrement écrit que les espèces se reproduisaient sans évoluer.
Sa passion l'a conduit à entreprendre une classification des êtres naturels dont les plantes.
Cette classification basée sur le nombre d'étamines ne lui survivra pas. Mais sa nomenclature binominale est toujours en vigueur.
Cette dernière consiste à donner deux noms à tout nouvel individu.
Le premier nom est un nom générique, commun à plusieurs espèces, comme par exemple … clitoria. C'est le nom de la famille ou du genre.
Le second nom est un nom spécifique, propre à chaque individu, de façon à le différencier de ses pairs ou cousins. C'est comme un prénom, dans le cas présent il s'agit de ''ternatea''.
Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) à qui l'on doit le nom de l'espèce ternatea, la création de 25 genres et la description de 1356 plantes, est né à Aix en Provence et a suivi ses études chez les Jésuites. Son intérêt pour les plantes et la constitution d'un herbier exceptionnel attira l'attention sur lui.
En 1683, il a alors 27 ans, Guy-Crescent Fagon (1638-1718) qui deviendra le 1er médecin et le dernier des cinq qui occupèrent cette fonction auprès du roi Louis XIV, le prendra sous son aile après l'avoir fait nommé à la chaire de botanique au jardin des plantes de Paris où ses cours feront sa célébrité.
Très vite Tournefort est reçu à l'académie des sciences, et docteur de la faculté de médecine de Paris.
En 1698 il publie l' ''histoire des plantes qui naissent aux environs de Paris''. A la demande de son protecteur Fagon, Louis XIV l'envoie en Asie. Le récit de ce ''voyage au Levant'' paraîtra après sa mort.
En 1706 il est titulaire de la chaire de médecine et de botanique au collège royale. Il est alors officiellement reconnu comme l'un des grands botanistes de l'époque, ce qu'il était déjà bien avant cette nomination.
En 1708 écrasé par une charrette, sa brillante carrière prendra fin après 8 mois d'agonie et de souffrances.
Photo 1 : L'aire endémique du clitoria ternatea d'après Antoine Düss, avec la mise en évidence de l'île de Ternate.
Photo 2 : Un portrait de Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) gravé par Ambroise Tardieu (1788-1841) (document B.N.F). Cette œuvre a été réalisée d'après un buste en plâtre de 70 cm. qui est au musée d'histoire naturelle de Paris. L'original, en marbre, fut sculpté par Joseph Marius Ramus (1805-1888) pour le salon de 1838 et se trouve au musée d'histoire naturelle d'Aix, la ville où naquit Joseph Pitton de Tournefort.
Photo 3 : L'aire géographique des Moluques, l'un des nombreux archipels Indonésiens, détaillé autant que possible car il compte un millier d'îles environ.
La classification du clitoria ternatea :
Le clitoria appartient à la famille des fabacées (fabaceae) appelée aussi légumineuses (léguminosae) ou encore papilionacées (papilionaceae). Des familles qui, selon les classifications, comptent plus de dix neuf mille espèces et 700 genres (Lewis 2005).
Comme les espèces de la grande famille des fabacées, le clitoria est une plante dicotylédone, c'est-à-dire dont la graine, qui se développe à l'intérieur d'un fruit, donne naissance à deux feuilles primordiales ; ses pétales, qui sont libres, sont dits dialypétales.
En 1753 le genre clitoria se résumait à 4 espèces. Il en comptait en 1977 plus de 58 et aujourd'hui il dépasse largement la soixantaine.
Les individus du genre ''clitoria'' ne sont surtout pas à confondre avec ceux du genre ''Centrosema (DC) Benth.'' créé par l'anglais George Bentham (1800-1884).
Les centrosema, qui comme les clitoria appartiennent à la sous-tribu des ''clitoriiane'', compteraient plus de 97 espèces et seraient originaires essentiellement d'Amérique, surtout d'Amérique tropicale, alors que les clitoria sont majoritairement de l'Asie du Sud-est, de l'Inde et de l'Afrique orientale mais aussi d'Amérique centrale pour quelques uns d'entre eux, comme par exemple le clitoria rubiginosa découvert aux Antilles.
Notre sujet, le clitoria Ternatea, d'après Georges Bentham serait originaire d'Afrique orientale mais, le Révérend père Anton (Antoine) Düss (1840-1924) d'origine Suisse écrit qu'il viendrait de Ternate, une île de l'archipel des Moluques. En fait son aire endémique couvre, grosso-modo, tout le Sud-est asiatique (Thaïlande, Cambodge, Laos, Chine du sud, Philippines, Malaisie et quelques îles voisines Indonésiennes.) puis il aurait migré vers la Birmanie, l'Inde et l'Afrique orientale. Mais … qui peu l'affirmer avec certitude ?!...
D'après Michel Etienne Descourtilz (1775-1835), ce serait grâce au diplomate-botaniste et président de la société Linnéenne de Paris, le chevalier Etienne Soulange-Bodin (1774-1846) que le clitoria aurait été importé et cultivé en Europe. Le ''Hortus camdenensis'' entre autres ''Hortus'' précise que le clitoria ternatea aurait été cultivé pour la première fois en Angleterre en 1739 par Phillip Muller (1691-1721), jardiner en chef du jardin botanique de Chelsea.
Comment reconnaître un clitoria ?...
Les Individus des espèces du genre clitoria se différencient des individus des genres à stigmate terminal, comme par exemple les centrosema, grâce à leur étendard. Cet étendard ou vexillaire (Dans les légions romaines le vexillaire portait l'étendard) est un pétale qui est beaucoup plus grand que les trois autres, c'est-à-dire les deux 2 ailes et la carène.
Photo 1 et 3 : Dessins de Nicolas Hallé (1927) illustrant un article de Henri Botton (1921-1980) parus dans le journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée de 1958.
Photo 2 : La fleur d'un centrosema pubescens Benth (Photo de : nickrent@plant.siu.edu)
Photo 4 : La fleur d'un clitoria ternatea
Description du clitoria ternatea :
Le tronc du clitoria ternatea :
Le clitoria ternatea est une plante lianoïde pérenne, c'est-à-dire une plante grimpante vivace pouvant vivre plusieurs années.
Sa base se constitue d'un petit sarment dont le diamètre ne dépasse pas le centimètre. A partir de ce sarment poussent de nombreuses tiges, très souples, qui vont chercher à s'accrocher à tous les supports possibles. Certaines d'entre elles, dont le diamètre avoisine les 1 ou 2 millimètres peuvent atteindre les 5 ou 6 mètres de long.
Photo 1 : Une feuille du clitoria ternatea, feuille dite imparipennée composée de cinq folioles, ce qui est le plus souvent le cas.
Photo 2 : Quelques tiges de clitoria ternatea lovées autour d'un câble.
Photo 3 : Une feuille du clitoria ternatea, feuille dite imparipennée composée de sept folioles.
La feuille du clitoria ternatea :
La feuille du clitoria ternatea est dite composée et imparipennée, c'est-à-dire qu'elle comporte entre trois à neuf folioles (petites feuilles), mais plus généralement cinq. L'une des folioles termine la penne, d'où le nombre impair de folioles, tandis que les autres folioles en nombre pair, se répartissent sur la nervure de la penne de manière opposée.
La penne est pourvue à sa base de deux stipules lancéolées persistantes (Toute petite feuilles.) de 5 à 10 millimètres de long. Le pédoncule de ces folioles avoisine les 1 à 3 millimètres, tout au plus.
La foliole se présente sous la forme d'un ovale, dont l'extrémité ou apex, s'arrondie en se creusant légèrement, comme pour rejoindre la nervure centrale, alors que la base de la foliole s'amenuise.
Une foliole mesure entre 2 à 6 centimètres de long sur 1,5 à 4 centimètres de large.
Le dessus du limbe est glabre alors que le dessous, où les nervures apparaissent de façon saillante, est légèrement pubescent.
Photo 1 : Une foliole d'une feuille de clitoria ternatea vue de dessus.
Photo 2 : Une tige de clitoria ternatea développant des feuilles.
Photo 3 : Une foliole d'une feuille de clitoria ternatea vue de dessous.
La fleur du clitoria ternatea :
La fleur du clitoria ternatea est souvent solitaire mais elle peut naître géminées. C'est une fleur dite axillaire parce qu'elle prend naissance dans l'aisselle formée par une tige et le pédoncule d'une feuille pennée.
Le pédoncule de la fleur du clitoria ternatea varie entre 5 et 10 millimètres de long, et se termine par deux stipules (genre de très petites feuilles.) entre lesquels se niche le calice.
Ce calice, monosépale et de forme tubuleuse mesure environ 17 millimètres de long et se termine par cinq lobes presque égaux, acuminés et lancéolés.
La corolle, très irrégulière, se compose de cinq pétales dits dialypétales parce qu'ils sont indépendants les uns des autres. Le plus important d'entre eux, l'étendard, de forme oblongue oblong-ovale, mesure entre 25 à 50 millimètres de long sur 15 à 20 millimètres de large. Il a pour particularité de renfermer les autres pétales.
Les ailes, deux pétales beaucoup plus petits que l'étendard situés à la naissance de ce dernier, sont de forme obovale et mesure entre 15 à 20 mm de long sur 5 à 11 mm de large.
Le dernier d'entre eux, appelé carène et pris en étau par les ailes, est courtement rostré (en forme de bec ou de lame de faucille) et mesure 15 à 20 mm de long sur 4 ou 5 mm de large.
L'ovaire de 10/14 mm est supérieur et multi-ovulé (environ 10/12 ovules). Il est porté par un petit support (ovaire stipité) et est surmonté par un style filiforme recourbé stigmatifère de 10/15 mm. Neuf des dix étamines sont réunies à leur base. Les anthères (poches à pollen) sont uniformes.
Ces fleurs peuvent être de trois couleurs, rouge, bleu et blanche, par exemple :
Le clitoria arborescens d'Amérique tropicale est une liane à fleur rouge pourpre.
Le clitoria heterophylla est une liane à fleurs bleues
Le clitoria ternatea du Sud-est asiatique et d'Afrique est une liane à fleurs bleues pâles dont l'étendard comporte en son centre une tâche de couleur blanche que rehaussent de jaune quelques nervures.
La fleur du clitoria ternatea donne une teinture bleue qui sert à colorer les textiles mais aussi les aliments. En Birmanie les fleurs sont mangées en salade et en beignet. En Malaisie la fleur sert à colorer le riz gluant, et en Thaïlande elle colore une boisson à base d'eau de coco le Name dok ane-chane (นำดอกอัญชัน). Le chef de ''La fourchette'', un restaurant français de Chiang-Maï décore certains de ses plats avec … une fleur de clitoria ternatea, mais ses serveuses diront que c'est une ''dok ane-chane''.
Le clitoria ternatea vu sous tous ses angles. (La photo 4 montre deux clitoria ternatea double.
Le fruit du clitoria ternatea :
Le fruit du clitoria ternatea se présente sous la forme d'une gousse de 10 ou 13 centimètres de long sur 1 centimètre de large. Cette gousse est attachée au moyen d'un court pédoncule (gousse subsessile). Elle est de forme linéaire, très plate, et son extrémité se termine par une espèce de croc. Elle contient environ 8 à 10 graines qui chacune est logée dans une alvéole.
La graine du clitoria ternatea :
La graine est de forme oblongue d'environ 7 mm de long sur 4 mm de large. Elle est plus ou moins aplatie.
Le petit plus :
Le clitoria ternatea est une plante dont la médecine ayurvédique attribue de nombreuses propriétés bienfaisantes, qu'aujourd'hui viennent confirmer un certain nombre de recherches scientifiques.
En médecine ayurvédique le clitoria ternatea aurait les facultés d'activer la mémoire, d'être un antistress, un anxiolytique, un antidépresseur, un anticonvulsivant (épilepsie), un tranquillisant et un sédatif.
Les racines du clitoria ternatea seraient utilisées pour traiter les indigestions, les constipations, les arthrites, les diarrhées et les affections oculaires.
Ses racines, ses tiges et ses fleurs entreraient aussi dans le traitement des morsures de serpents, scorpions et piqûres en général.
En pharmacie des extraits de clitoria ternatea entrent dans la composition d'antimicrobiens, d'antipyrétique (anti-fièvre) et d'anti-inflammatoire ; ils servent aussi en tant qu'analgésiant (suppression des douleurs), de diurétique, et d'anti-diabétique.
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