LIANG DONG - เลี้ยงดง
Liang dong - เลี้ยงดง
(Le culte rendu à Pu Saeh et Ya Saeh)
(Pu Sae Ya Sae Festival)
Avertissement : A l’origine j'avais commencé par écrire une chronique sur le Wat Doï Kham. Dans ce texte il était question de "Liang Dong", une cérémonie visant à se concilier les esprits qui hantent l'imaginaire des gens de la région, et qui sont liés au Doï Kham et au Doï Suthep.
Au fur et à mesure de la rédaction de cette chronique il m'est apparu qu'il serait plus simple et plus claire de rédiger deux chroniques. l'une consacrée au Wat Doï Kham et l'autre à Pu Saeh et Ya Saeh.
Liang dong - เลี้ยงดง
ou
"Pu Saeh - Ya Saeh Festival"
Nota: Pour les étrangers ce rituel a été assimilé à un "festival", un festival qui n'a rien d'un festival, mais qui néanmoins porte ce nom.
C'est-à-dire, le rituel consistant à :
''Nourrir les esprits de la jungle'' (เลี้ยงผีดง) (1)
Photo 2 : Le médium, Monsieur Terdsak Moonkio (เทอดศักดิ์ มูลเกียว) de Sanpatong (สันป่าตอง), une localité voisine, en cours de célébration.
Photo 3 : La bannière sur laquelle figure Phra bot (พระบฏ) accompagné de ses deux disciples, Sariputa et Moggalana. La présence de cette bannière signifie que Bouddha veille pour que ce rituel quelque peu ... animiste ne dégénère pas ?!....
Au Lanna (2) les rites de propitiation de purification ou de protection, qui étaient, et sont encore pour certains, célébrés aux nombreux esprits censés le peupler, étaient légions. Mais les deux cultes qui les supplantaient tous, et aujourd'hui encore, étaient et sont : le culte de "Inthakhin" et le culte de "Liang Phis dong".
"Inthakhin" (อินทขิล), à l'origine devait être un "sagang", (3) c'est-à-dire un poteau sacrificiel élevé au milieu d'un village Lawa relativement peuplé et qui devait porter alors le nom de "Lawa Wiang Nopburi". (4) (La place forte des Lawas et la ville des neuf clans de familles Lawas ?...)
Ce sagang se présentait sous la forme d'un monolithe, il était alors le siège et la propriété de l'esprit du village le plus élevé. Un ancêtre très vénéré et très respecté qui depuis son royaume de l'au-delà accordait sa protection à ses descendants vivants dans le monde d'en bas. Cette protection n'étant accordée que dans la mesure où ces derniers lui sacrifiaient, de temps à autre, quelques êtres vivants ... des buffles, bovins, porcs mais aussi ... quelques têtes humaines comme les Was de Birmanie ou du Yunnan, dont nous reparlerons plus loin.
Puis au cours des siècles, les T'aïs sont arrivés et le bouddhisme aussi, alors ce "sagang" a pris de nouvelles couleurs pour servir de nouveaux concepts à connotation bouddhistes.
"Inthakhin" (อินทขิล), ou plutôt l'ancien "sagang", devint alors le symbole d'une alliance contractée entre le dieu Indra et une communauté d'hommes composée de Lawas et de T'aïs. Comme ce pilier était confié aux hommes par Indra, il prit le nom de : "Inthakhin", c'est-à-dire le pilier ou "sao" (Sao Inthakhin) (เสาร์อินทขิล) (le pilier d'Indra). ".
Aujourd'hui, ce sao confié par Indra, est la demeure du Sua Muang (เสื่อ เมือง) c'est-à-dire l'esprit protecteur de Chiang-Mai et du muang, à savoir Chiang-Mai et sa proche banlieue.
En contrepartie de cette protection, les hommes devaient rendre un culte digne de ce nom, une fois par an, à Indra, mais aussi ... par voie de conséquence au "Sua Muang". Avec l'arrivée du Bouddhisme Indra aurait mis une condition à son pacte d'alliance : "Ne pas oublier les huit préceptes un seul jour".
Les Lawas (ละว้า) ou Luas (ลัวะ ou ลั๊วะ) peuplaient le Lanna bien avant les t'aïs (5). Ces derniers n'ont commencé à s'installer dans la région que vers le VIe siècle ; ce qui signifie que les rois du Lanna, du premier au dernier, n'ont fait qu'adopter et se transmettre un culte qui existait bien avant la création du premier royaume thaï du Nord par Chao Mengraï (เจ้าเม็งราย) (1239-1262-1296-1317) (6) ; Ce culte continuera de se célébrer bien après le décès du dernier Khum Luang ou ex-roi du Lanna en 1939, en l'occurrence Chao Kaew Nawarat (เจ้าแก้วนวรัฐ) (1862-1910-1939).
Aujourd'hui, c'est le conseil municipal de Chiang-Mai qui représente le pouvoir politique. De ce fait ses édiles prennent part à la grande procession qui sillonne Chiang-Mai, de fin Mai ou début juin, célébrant "Inthakhin".
De nos jours, Inthakhin est devenu ... un "festival" d'une semaine qui se déroule au Wat Chédi Luang. C'est, pour la population, l'occasion de venir rendre hommage à Bouddha et à Indra.
Soit dit en passant que l'image principal du Wat Chédi Luang est un Bouddha debout de 18 coudées, Phra Attharot (พระอัฐารถ) avec à ses côtés deux de ses disciples, comme sur la bannière du Phra Bot (พระบฎ) qui flotte durant le culte de ... "Liang Phis dong" !... Les deux cultes seraient-ils complémentaires ?...
Liang peut aussi se traduire par "propitiation" c'est-à-dire présentation d'offrandes ou se concilier les esprits.
(2) Le Lanna à cette époque n'existait pas. Le nom de Lanna n'est apparu sous forme écrite que vers 1553. De ce fait, il aurait été plus juste de parler du bassin de la Mae Ping, un nom se rapportant au fleuve qui passe près de Chiang-Mai. Mais les cultes qui se sont développés dans ce bassin se retrouvent dans d'autres contrées qui au cours de l'histoire vont appartenir au Lanna. C'est pourquoi j'ai préféré le mot Lanna à celui de bassin de la Mae Ping.
(3) Le pilier "Indrakhila" ou le sao Inthakhin est aussi appelé ... le "sao Sagang" ?!...
(4) Il est question de la ville de ''Lawa Wiang Nopburi" dans la "chronique du Mahāthera Fa Bŏt". Ce serait sur ce qui restait de l'emplacement de cette ville que Chao Mengraï en 1296 aurait trouvé ce pilier. Et .... ce serait - peut-être - sur cet endroit que Chiang-Mai se serait construite ?... Ce n'est qu'une hypothèse de ma part, je le rappelle, mais ... j'y suis très attaché et ... qui peut savoir ?!...
(5) Le mot t'aï, écrit de cette façon, concerne tous les groupes T'aïs (Les Thaïs noirs, Thaïs Lus, Thaïs Yaïs -Chan- les Yuans etc... etc...).
Nous reviendrons sur les Lawas, qui furent aussi des migrants mais vraisemblablement venus de l'Inde du Nord-est. Ils ne sont pas sans faire penser aux peuples 'Nagas'' (Hommes nus) coupeurs de têtes et aux Was en pays Chan de la Birmanie et du sud du Yunnan en Chine.
(6) Chao Mengraï a créé de nombreuses capitales dont Chiang-Raï en 1262 et Chiang-Mai en 1296. Le parrainage royal consistait à participer aux frais de l'achat du buffle, car un buffle coûtait et coûte toujours très cher au point qu'il était parfois remplacé par un porc, voire des poulets, au coût moins élevé. A noter que les sacrifices d'animaux sont une particularité des peuples de culture Lao.
Photo 2 : "Les deux kumphans descendant sur terre le pilier d'Indra pour le confier aux hommes" - Une oeuvre de l'artiste Phot Haripong (พจน์ หริพงศ์). C'est une peinture murale néo Lanna du Vihāra Caturamukha où se trouve le Sao Inthakhin. (Photo de 2014)
Photo 3 : Une reproduction en pierre de l'Inthakhin nouvellement installée au Wat Inthakhin Sadue Muang (วัด อินทขีล สะดือ เมือง). Le Wat près duquel se trouvait jusqu'à l'arrivée de Kawila au XXVIIIe siècle, l'original. (Photo du 07.03.2014)
Photo 4 : L'intérieur du Vihāra Caturamukha et ... le sao Inthakhin. Il serait à l'intérieur de la base du monument. Bouddha a vraiment remplacé la stèle de pierre. A gauche sur fond bleu le gardien de l'univers du Sud et à droite celui du Nord. Biyddha fait donc face à ... l'Est. (Photo du 18.07.2014)
"Liang Phis Dong" (เลี้ยงผีดง) se rapporte lui aussi à une alliance, mais à une alliance entre les puissances de la nature, où, pourrait-on dire (?...) les puissants esprits de la nature que sont entre autres l'eau et le vent d'une part, et d'autre part les populations de la grande banlieue de Chiang-Mai ; celles qui plantent et récoltent le riz. Car ce culte est un rite agraire dont l'objet n'est pas de protéger une ville ou un village en particulier, mais d'obtenir la préservation des cultures, d'abondantes récoltes et une protection contre toutes les calamités naturelles, dont souffrent les populations vouées à la vie des champs.
Un temps durant, et pendant longtemps, ce culte fut parrainé par le roi du Lanna (1) mais ... sans que ce dernier participât en personne aux cérémonies comme pour "Inthakhin". Cependant ce parrainage royal signifiait que le culte était alors d'importance et lié au pouvoir politique. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Il était autrefois et parfois, appelé le "Ken-nam-Khogn-phou-mi-pak" (แกนนำของภูมิภาค) c'est à dire le cœur de l'arbre (sao) qui conduit (ou préside aux destinées de) la région ou la province, en bref .... le symbole du "Sao de la région" voire du royaume tout entier.
Au cours des siècles Chiang-Mai a perdu son roi, et en 1939 son dernier "Chao" (Chao Kaeo Nawarat) alors le culte périclita et aujourd'hui il n'est plus ce qu'il était jadis ; Le nouveau pouvoir central, intentionnellement ou non (?), a de fait bousculé nombre de traditions qui faisaient l'originalité du Lanna, et surtout qui pouvaient rappeler son glorieux passé, bref ... le Siam a développé une ère d'intolérance vis-à-vis des cultures différentes de la sienne.
Avec des pouvoirs différents il en a été de même à Luang-Prabang et Vientiane au Laos, et à Cheng-Hung, aujourd'hui "Jinghong" au Sipsongpanna province du Yunnan en Chine. Dans ces villes, toutes de culture Lao comme Chiang-Mai, ce rituel est devenu l'affaire des seuls intéressés, à savoir ... la population rurale, donc les cultivateurs de riz.
Comme le culte d'Inthakhin, "Liang phis dong" est un culte d'origine Lawa. Il existait bien avant l'arrivée des T'aïs au Lanna ; ces derniers l'ont adopté. Avec l'arrivée du bouddhisme, le religieux s'est invité et a pris part au culte pour le "bouddhisé". Mais chacune des deux parties participe au culte non sur un mode d'interpénétration mais en parallèle, c'est-à-dire en même temps, et chacun dans une aire particulière.
Il y a d'un côté, du côté animiste : la propitiation proprement dite, lors de laquelle des offrandes, par le biais d'un médium, sont faites à Pu Saeh, Ya Saeh, l'ermite Suthep et quelques autres esprits mineurs ; et de l'autre côté, du côté religieux : la récitation de prières en pāli, dites par de jeunes novices, dont le but serait d'éviter, lors de la cérémonie, des débordements barbares, voire un retour aux pratiques cannibales que pourraient suggérer aux participants des génies malfaisants s'étant glissé dans les lieux. (2)
Au cours des siècles des légendes se sont créées et recréées autour de Pu Saeh et de Ya Saeh. Avec l'arrivée du Bouddhisme, Bouddha est devenu l'un des acteurs, et non des moindres, de ces légendes qui d'un auteur à l'autre ont été écrites et réécrites avec quelques variantes.
(1) En France, avant le règne de Charles IX (1550-1560-1574), la date du "nouvel an" variait d'une région à l'autre. Pour mettre fin à cette ... "anarchie" calendaire ce roi décida que l'année commencerait le 1er Janvier pour tous ses sujets. L'Inde d'aujourd'hui connaît encore ce phénomène de calendriers régionaux. En Thaïlande pour faire coïncider le calendrier Suriyakati au calendrier Grégorien, par décret du 24/12/2483 (1940) le nouvel an fut fixé au 1er Janvier, et non plus aux environs du 13 avril. De ce fait l'année thaïe 2483 (1940) n'aura eu que ... 9 mois. Ce nouveau calendrier n'empêche cependant pas les références au calendrier lunaire.
(2) De mon point de vue, cette célébration ne fait que conforter dans ses convictions chacune des deux parties.
1/ Du côté animiste, ou plutôt de ceux qui tout bouddhiste qu'ils soient, croient aux esprits, la présence des moines démontre que les esprits existent bel et bien et qu'il faut se les concilier.
2/ Du côté religieux l'intérêt de ce rite c'est de célébrer la spectaculaire conversion faite par Bouddha et de montrer qu'en dehors du Bouddhisme ... pas de salut.
Photo 2 : Le "dong Ho" des esprits mineurs, comme le précédent s'élevant au bas du Doï Suthep..
Photo 3 : Le sanctuaire de Pu Saeh et de Ya Saeh, en 2016, au pied du Doï Kham. Des ogres et des géants à l’air plutôt sympathiques non ?... (Photo du 08.03.2016)
Le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh :
Actuellement, en 2016, le culte se déroule sur les terres de la municipalité de Mea Hia (แม่เหียะ), à un ou deux kilomètres du Doï Kham, le quatorzième jour de la lune croissante du neuvième mois du calendrier lunaire du Lanna, c'est-à-dire pour 2016, le samedi 16 juin. (1) (Comme ce quatorzième jour est un jour mobile, il "voyage", dans notre calendrier grégorien, entre fin Mai et début Juin.)
Car c'est au pied du Doï Kham, que se situe un sanctuaire réunissant les deux grands esprits en question, Pu Saeh qui s'écrit aussi Pu Sae (ปู่แสะ), un cannibale qui aurait en son temps terrifié la région en compagnie de sa compagne, Ya saeh ou Ya Sae (ย่าแสะ).
Avant les années soixante, Pu Saeh et Ya Saeh avaient chacun sa demeure personnelle ou "dong Ho" (ดงหอ), c'est-à-dire un "cabanon en jungle" ou un "abri en jungle". Celle de Pu Saeh s'élevait au pied du Doï Suthep, non loin du village de "Ban Tin Doï" (บ้านตีนดอย) qui, comme son nom l'indique est un village (Ban) qui se situe au pied (Tin) du doï (Mont) Suteph, et plus précisément tout au bas du Wat Faï Hin (วัดฝายหิน), dans la partie ouest du campus universitaire de Chiang-Mai.
(1) Un texte donne aussi l'information suivante : "Le quatorzième jour de la lune croissante du septième mois lunaire ce qui correspond au début de la saison des pluies". (Il doit s'agir du calendrier lunaire Lao qui a deux mois de décalage avec le calendrier lunaire du Lanna.). La Chronique du "Tamnan Maha thera Pha bot" donne elle, le 4è ou 5è jour de la lune croissante du huitième mois lunaire ?!... Outre la correspondance des mois il faut aussi savoir qu'à l'intérieur des mois il y a ... des jours fastes et des jours néfastes dont il faut tenir compte.
Je donne ces informations pour être aussi complet que possible, mais le neuvième mois, pour Chiang-Mai, me semble beaucoup plus juste par rapport à la saison des pluies. C'est en tout cas celui auquel se réfèrent ceux qui célèbrent le culte aujourd'hui.
Quelques dates d'anciennes cérémonies : jeudi 16 juin 1966 - vendredi 20 juin 1986 - samedi 26 juin 2004 - jeudi 11 juin 2009 - samedi 22 juin 2013 - mercredi 11 juin 2014 - lundi 29 juin 2015.
Nota : Ce sacrifice ne doit jamais avoir lieu un mercredi. Pourquoi ?...
Astrologiquement le mercredi est le jour du dieu planétaire indien Budha, lequel correspond à notre dieu planétaire Mercure. Cette "navagrahas Budha", (Phra Phout - พระพุธ - en thaï) n'a rien à voir avec Bouddha à l'origine du bouddhisme, encore que !...
Ce Budha indien serait le dieu de la médecine et plus particulièrement l'auteur d'un traité médical concernant les éléphants, le "rājaputrïya". Ce Budha est aussi le sage des sages, le chef des gnanis (Siddhas) c'est-à-dire des "âmes" pure qui ont atteint la sainteté et seraient doués de pouvoirs surnaturels. Ils sont en général vêtus de blanc, mais ce n'est pas toujours le cas.
Le Mercredi est aussi le jour de la naissance du Bouddha et par voie de conséquence le jour saint des bouddhistes.
Bref, Budha n'est pas Bouddha mais il y a entre eux de nombreux points communs qu'il serait trop long de développer ici. Cependant n'oublions pas que le premier précepte bouddhique (pañcasīla) est : "Tu ne tueras pas". sous-entendu ... pas même un animal. Alors sacrifier un animal le jour consacré à Bouddha ne serait pas du meilleur effet ?!... Compte tenu de la date du mercredi 11 juin 2014 ... les traditions varient !....
Un bouddhiste ne doit pas tuer. Mais il peut manger de la viande dont l’animal a été tué par d'autres. Tout est dans la nuance !...
Photo 1 : L'entrée du Wat Fai Hin (วัดฝายหิน) au bord de la route conduisant à Ban Tin Doï, un village où tout le monde semble avoir oublié Pu Saeh et Ya Saeh ?!...
Photo 2 : Photo prise depuis l'endroit où devait avoir lieu la cérémonie. Au premier plan l'arbre où - peut-être - était sacrifié le Buffle d'eau. En arrière-plan se dresse le Doï Suthep et entre le Doï et l'arbre ... quelques toits de Ban Tin Doï.
Photo 3 : Le département d'architecture de l'Université de Chiang-Mai où avait lieu le rituel de Pu Saeh et Ya Saeh. (Photos du 19.09.2016)
En cet endroit il y avait, non seulement la demeure de Pu Saeh, mais aussi celle de dix autres esprits ... mineurs dont : Khun Saenthong (ขุนแสนทอง), Khun Kik (ขุนกิก), Khun Khang (ขุนค่าง), Khun Khutnoï (ขุนคืดน้อย), Khun Khutluang (ขุนคืดหลวง), Phya Ravi (พญารวี). Un Ho dong unique qu'ils partageaient. (1)
Ce "transfert" de résidence a été dû à la vie moderne. Avant 1920 Chiang-Mai vivait pratiquement en autarcie. Puis après cette date le monde extérieur a fait irruption dans la ville. Ainsi, en 1922, grâce au chemin de fer Chiang-Mai n'était plus, quand il n'y avait pas de retard, qu'à 25 heures environ, de Bangkok (A cette époque, les trains ne roulaient pas la nuit), alors que précedemment il fallait près de 80 jours pour relier les deux villes ; en 1909 la princesse Darasmi pour rentrer à Chiang-Mai a mis ... deux mois et 9 jours (70 jours).
Puis en 1964 la première grande école du Nord-ouest et aussi la première université provinciale de Thaïlande voyait le jour. (Le Siam a pris le nom de Thaïlande le 24 juin 1939).
Ce sont donc les expropriations pour la construction de l'université de Chiang-Mai qui sont à l'origine du "déménagement" en 1964 d'un certain nombre d'occupants, dont Pu Saeh et Ya Saeh. Mais eu égard à leur rang et surtout à ce qu'ils représentent dans ... "l'esprit" des gens, ils furent relogés au pied du Doï Kham. C'est donc après les années 64, que fut bâti au pied du Doï Kham un sanctuaire pour Pu Saeh et Ya Saeh.
La bâtisse d'alors n'était peut-être pas celle d'aujourd'hui ?!... Quant aux autres génies ils sont, apparemment, restés à la rue ?!.... sans s'être plaints voire vengés ?!....
En tout cas, les esprits "invités et célébrés" lors de la cérémonie du samedi 16 juin 2016 étaient : Araksa (อารักษ์), Thorani Chao Ti (ธรณีเจ้าตี้), Kumphan 1 (กุมภัณฑ์), Kumphan 2 (กุมภัณฑ์), Khun Luang Vilangkha (ขุนหลวงวิลังคะ), Pu Saeh (ปู่แสะ), Ya Saeh (ย่าแสะ), Pu Sen Tong (ปู่แสนตอง), Pu Cham (ปู่จ๋าม), Ya Cham (ย่าจ๋าม) et le rishis Suthep. Nous en reparlerons plus bas.
De ce fait deux cultes se célébraient sur deux jours consécutifs, l'un consacré à Pu saeh et ses dix esprits mineurs et l'autre à Ya Saeh et ses dix esprit mineurs.
Aujourd'hui il n'y a plus qu'un seul et unique sanctuaire ou "Ho Dong". De ce fait la liste des esprits mineurs a été revue et corrigée d'autant que ces esprits sont légions mais seuls les plus en vue sont ... "de la partie" !...
Photo 2 : L'aire réservée au sacrifice. Les tours de la jungle sont visibles sur la gauche. Elles font toutes, face à l'Est. Les deux du milieu sont celles destinées à Sudeva Rishi (สุเทวฤาษี), qui n'a que des offrandes végétariennes.
Photo 3 : Les dix tours des génies cités ci-dessus. Les offrandes seront déposées sous la toiture de feuilles. A gauche, sous l'abri couvert d'une bâche bleue prendra place l'orchestre traditionnel du Lanna.
Ces photos ont été prises la veille de la cérémonie, soit le vendredi 15 juin 2016.
Comme écrit plus haut, le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh remonterait à la nuit des temps et serait à l'origine un culte Lawa ou Lua. Ces Lawas, qui vivaient en petites communautés, seraient probablement des descendants des "Nagas", un peuple du nord-est de l'Inde qui occupa à une certaine époque une vaste zone de l'Asie du Sud-est.
Mais selon les régions la culture néolithique de leurs descendants évolua à des rythmes différents. Ainsi les Nagas du Nagaland en Inde se replièrent sur eux-mêmes, au point de constituer des centaines de villages qui ne se comprennent pas entre eux. Alors que ceux qui sont venus peupler le bassin de la Mae Ping et au-delà, furent en contact avec les môns et les Khmers. De ce fait leurs us et coutumes ont évolué et leur langue d'origine aurait fait place à une langue influencée par le khmer et le môn. Les antropo-linguistes classent leur langue dans le groupe des langues "môn-khmer". (1)
Les Lawas, comme les Nagas, sacrifiaient des buffles, et avaient une propension à couper les têtes de leurs ennemis tant pour se défendre que pour les besoins de leurs cultes. C'étaient, pourrait-on dire ... un peuple d'anthropophages qui était loin d'avoir atteint le degré de civilisation des Môns et des Khmers qui, pour ces derniers, malgré leur "degré" de civilisation ne pouvaient se rencontrer sans s'affronter.
A mon avis, mais ce n'est que mon avis, les Lawas du bassin de la Mae Ping ont du se mettre au service armé des Khmers qui occupèrent la région, et qui, lorsqu'ils se retiraient pour rentrer au pays, souvent précipitamment pour des raisons de ... "coup d'état à la Khmère", devaient confier la garde de leurs marches aux indigènes c'est-à-dire ... aux Lawas.
Il existe encore aujourd'hui, dans les environs de Nan et de Phrae, y compris au Laos pour une vingtaine d'individus, une population nomade qui vit nue, et se nourrit de chasses et de cueillettes. Ces gens, dont le nombre est estimé à trois cent pour le Lanna vivent en petits groupes d'une dizaine d'individus environ. Ils n'ont pas de religion mais craignent les esprits, qui habitent les arbres, car ces "phis" (Les esprits) seraient friands de chair humaine.
Ces "Mlabris" (มลาบรี) ou "Mrabris" (มราบรี) comme ils s'appellent seraient-ils des descendants des Nagas, et par voie de conséquence des Lawas, dont les us et coutumes n'auraient pas évolués ?... Toujours est-il que leur langue appartient elle aussi à la famille "môn-khmer", ce qui pourrait laisser entendre l'existence d'anciennes relations entre ces peuples ?!...
Dans le même ordre d'idée il y a encore dans les environs de Chom Thong (จอมทอง) à une cinquantaine de kilomètres au Sud-ouest de Chiang-Mai, là où s'élève le plus haut mont de la région et de la Thaïlande, le Doï Inthanon (2.340 mètres), une population Lawa d'environ 9.000 individus qui ne s'est pas vraiment "assimilée" et qui a gardé de nombreux traits propres à ses origines.
Il en va de même pour les amphoes de Hot (ฮอด) et de Mae Sarieng (แม่สะเรียง), près de la frontière birmane où, pour Mae sariang, en 1968, province de Mae Hong Son (แม่ฮ่องสอน), le village de Ban Dong (บ้านดง) comptait 97 familles Lawas ce qui représentait une population de 600 habitants environ, tous animistes, et celui de Ban La-up (บ้านละอุป) où un recensement précisait que sur les 95 familles, 15 étaient protestantes et 65 animistes/bouddhistes. Nous parlerons un peu plus loin des environs de Mae Rim, à trente kilomètres de Chiang-Mai, où il y a aussi des villages Lawas.
(1) Le mot "Naga" vient du sanscrit "nagna" qui signifie nu, car ces hommes vivaient pratiquement nus. Leurs nombreux villages (*) couvrent une vaste zone, qui commence dans le Nord-est de l’Inde (Régions de Manipur, Assam et Arunachal-Pradesh) où il existe aujourd'hui un état qui porte le nom de "Nagaland" et dont l'emblème est un … buffle (un mitan très exactement) ?... (Hasard ?... je ne crois pas et vous verrez pourquoi en lisant ce qui suit.)
Cette aire de coupeurs de têtes, voire de cannibales se poursuit jusqu'en Birmanie, et plus précisément en pays Shan et en Chine dans le Yunnan avec les "Was". Les us et coutumes des uns et des autres, jusqu'à peu, ressemblaient en de nombreux points à ceux des sociétés néolithiques. Puis, pour les Nagas, les ... "bons pères" méthodistes ... sont arrivés ?!... Hélas !...
Les Was pratiquaient le "Latou" (Chasse aux têtes humaines) dont l'objet était de les offrir aux ancêtres, au même titre que le sacrifice d'un buffle une fois par an, pour obtenir de ces ancêtres leurs bienfaits dont ... de bonnes récoltes.
Au Lanna, les Lawas, Las, Luas, louas, Lovacs, Milukkus, ou Tamilas, (*) entre autres noms pour désigner un seul et même groupe, auraient été, eux aussi des coupeurs de têtes, voire des cannibales pour certains d’entre eux ; et leur coutume d'abattre un buffle en offrande aux esprits avant la plantation du riz est commune aux Was et aux Nagas. Mais les "Nagas" du Lanna, contrairement à leurs voisins et - peut-être (?) - leurs ancêtres, sont entrés en contact avec les Môns et les Khmers dont ils ont - peut-être - concernant les Khmers été les auxiliaires ?!... Toujours est-il que leur langue appartient à la famille des langues "Môn-Khmer" comme les Was, et non à la famille de langues "tibéto-birmane" à laquelle se rattachent les Nagas.
Un village Lawa regroupe des clans qui eux-mêmes se constituent de familles.
(*) Les Lawas sont nommés "Milukku" dans un texte bouddhique en référence à la relique intitulé "Phra Bouddha". Ces "Milukkus furent un temps durant des ... "esclaves" attachés à l'entretien des temples.
Les Lawas sont appelés "la" et "Tamila" concernant des inscriptions lapidaires.
Les Lawas sont désignés par les termes "Lua" et "Lawa" dans deux chroniques.
(*) C'est un anglais qui, vers 1832, entra en contact avec les "Nagas" du Nagaland un état de la fédération Indienne qui, bien sûr, n'existait pas encore, à cette époque, en tant qu'état.
Les anglais découvrirent alors des centaines de villages tous différents les uns des autres y compris au niveau de la langue. C'est ce qui fait dire à Julian Jacobs dans son livre (Traduit par Helen Loveday) "Les Naga: montagnards entre Inde et Birmanie" ... "on peut dire que les britanniques créèrent, en un certain sens, les tribus Nagas ... étant entendu que chacune d'elles possédait un langage et une organisation sociale propres. Ces tribus (Angami, Humtso, Kabai, Konyak, Lyengmai etc...) vivaient en autarcie tout en ayant des relations commerciales avec celles des alentours.
Photo 2 : Une peinture de l’anthropologue anglais Richard Carnac Temple (1850-1931) représentant un couple de Wa, une ethnie du Nord-est de la Birmanie. La hotte ou "Chaek" que porte la femme est un des traits caractéristiques des Was mais aussi des Lawas.
Photo 3 : Quelques membres d’une tribu naga qui permettent d’imaginer ce que devaient être – éventuellement – les Lawas au VIIe siècle. A noter que ces guerriers coupeurs de têtes n’ont pas vraiment l’air engageant mais … ils sont loin d’être les géants décrits dans certains textes ?!.... (Photo prise entre 1840 et 1911 par un photographe anonyme.)
Photo 4 : Un groupe de "Mrabri" (มราบรี) de la région de Nan ou Phrae pris par le photographe de Chiang-Mai Boonserm Satrapaï (บุญเสริม สาตราภัย) (Photo du 10.10.1962)
Photo 5 : Un groupe de "Mrabi" (มราบรี) de la région de Nan ou Phrae. (Photo du 13.06.2013 trouvée sur le site : http://www.thailandshistoria.se/artiklar/1/9/forntid
Les photos qui précèdent n'ont d'autre objet que de permettre au lecteur de se faire une idée sur l'apparence que Pu Saeh et Ya Saeh devaient avoir à leur époque. Une époque distante de plus de 2.300 ans quand même par rapport à nos Nagas de 1840 !... C'est dire !...
Contrairement aux légendes Pu Saeh et Ya Saeh ne sont pas des géants, ni des ogres et encore moins les personnages débonnaires et très sympathiques comme ceux du sanctuaire situé au pied du Doï Kham et censés les personnifier.
Ces gens, comme les Mrabris d'aujourd'hui, devaient vivre à l'intérieur de la jungle, c'est-à-dire en parallèle des petites communautés en cours de sédentarisation et en voie de civilisation. De ce fait ils devaient subsister au moyen de cueillettes, de chasses, et se présenter sous un accoutrement peu rassurant pour peu qu'ils ressemblassent aux Nagas de la photo ci-dessus. Cependant, leurs congénères vivants en communautés ne devaient rien avoir à leur envier ?!....
Ainsi, lorsqu'au VIe ou VIIe siècle, soit plus de mille ans plus tard, un certain Vilangarāja ou Virangarāja (วีรังกะราชา) appelé aussi, ou confondu (?), avec Milakkha, un chef Lawa d'un Wiang relativement important situé au pied du Doï Suthep, envoya une "délégation" pour demander la main de la reine mône Chamathevi (จามเทวี) de Lamphun, cette dernière refusa tout net parce que les envoyés étaient ... trop laids. Ces ... diplomates à la petite semaine commirent l'erreur de dire que leur roi leur ressemblait !... (1)
Mais que disent les chroniques au sujet de Pu Saeh et de Ya Saeh ?... et ... ont-ils vraiment existé ?... ce dont je doute personnellement. Mais revenons-en aux chroniques.
Les chroniques dont j'ai pris connaissance, écrites au cours du XVIe siècle et au-delà, ne traitent, pour certaines d'entre elles, d'un événement local que dans la mesure où il accrédite ou authentifie la venue de Bouddha au Lanna. Certains auteurs modernes titrent cette venue par "Buddhabyákarana" (2) c'est-à-dire les "révélations de Bouddha", sous-entendu dans le cas présent, ... concernant le Lanna. Je rajouterai ... et le Doï Kham ... en particulier.
Il s'agissait alors de convaincre les fidèles bouddhistes du XVIe siècle, qui ne demandaient pas mieux, que Bouddha, durant son passage sur terre, cinq siècles avant notre ère, avait prédit que le Lanna deviendrait une terre sainte du Bouddhisme. Pour cela, Bouddha se serait rendu, avec de nombreux disciples et le dieu Indra, depuis Vârânasî (Bénarès) et par la voie des airs, en de très nombreux endroits où aujourd'hui, comme par hasard, s'élèvent un édifice bouddhique, et où tout un chacun peut recevoir son enseignement, c'est-à-dire ... le dharma.
Le fait de donner la liste des lieux visités par Bouddha après qu'ils aient été bâtis, limite les erreurs de prédictions et grandit les dons divinatoires de Bouddha ... ne croyez-vous pas ?!....
De ce fait, nombre de lieux saints du Lanna comme le Wat du Doï Kham, ont une chronique (s) qui accrédite (nt) la venue de Bouddha sur leur sol par le biais de faits locaux appartenant à la mémoire populaire, comme par exemple les cannibales Pu Saeh et Ya Saeh.
Dans le cas présent, il s'agit bien d'un événement local dont se sert le chroniqueur pour confirmer la venue de Bouddha au Doï Kham et ses environs. Pu Saeh et Ya Saeh, bien malgré eux, authentifient le passage de Bouddha puisqu'il va les convertir à sa doctrine.
Historiquement la rencontre entre les protagonistes ne tient pas. Car comment Bouddha lors de sa dernière vie sur terre, environ cinq siècles avant notre ère a-t-il pu rencontrer des personnages ayant vécu quelques siècles avant ou après lui ?!...
Toujours est-il que la légende de Pu Saeh et de Ya Saeh est révélatrice de deux fondamentaux.
1/ Un changement de culture qui se caractérise par l'intervention du bouddhisme dans les rites animistes et, par la suite, sur la manière dont il va les rendre compatible avec sa doctrine.
2/ L'art avec lequel le bouddhisme use d'une croyance animiste et populaire pour authentifier un fait soi-disant historique, à savoir la venue de Bouddha au Lanna.
L'objet de cette chronique n'étant pas de nous intéresser à la concordance des époques, prenons pour argent comptant ce qui nous est dit sur Pu Saeh et Ya Saeh dans les chroniques suivantes : 1/ celle du Mahāthera Fạ Bŏt, 2/ celle du Prathat Doi Kham (ธรรมะพระธาตุดอยคำ) et 3/ celle, dont je n'ai pas les références, mais sur laquelle s'appuie Monsieur Kraisri Nimmanhaeminda (1912-1992) (3) auteur de "The Lawa Guardian Spirits of Chienmai" (Les esprits Lawas gardiens de Chiang-Maï), pour en faire une compilation sous forme d'un résumé aussi vraisemblable que possible par rapport aux trois versions. (Il en existe vraisemblablement d'autres.)
(1) En fait c'est la différence du degré de civilisation qui semble être la cause du refus de la reine Chamathevi, car la chronique nous apprend que ... "Blessé par le refus de la reine Chamathevi le roi Lawa se lança à l'attaque de Lamphun et fut ... défait."
Mais tout est bien qui finira bien ... d'après Camille Notton traducteur de la chronique de Lamphun ... "Phraya Milakkha, en gage de paix, offre alors en mariage ses deux filles jumelles âgées de cinq ans, d'une beauté incomparable, aux fils de Chamathevi, qui acceptera. Elles deviendront les épouses des deux princes. (Chamathevi avait alors deux jumeaux âgés de sept ans, (Mahantayassa et Indavara), l'un deviendra roi de Lamphun et l'autre roi de Lampang.)
Une autre chronique raconte qu'à la suite de ce refus Vilangaraja mourrut d'une crise cardiaque (?!...) et demanda à être inhumer en haut du Doï suteph pour avoir l'œil sur Lamphun. Ce serait depuis cette époque que le peuple Lawa se serait dispersé et aurait été assimilé ?!... tout du moins en partie, celui autour de Chiang-Mai !...
La mort de Khun Luang Viranga, Vilangaraja appelé aussi Saen Luang et Milanga (มิลังคะ) signifierait donc aussi ... la fin de l'unité Lawa dont on ne connaît pratiquement rien, si ce n'est que les communautés Lawas de Mae Sariang se disent descendre de Khun Vilangaraja ?!...
Cependant l'on sait aussi qu'il y eut deux grandes communautés Lawas, l'une au bas du Doï Tung et l'autre au pied du Doï Suthep.
(2) "Buddhabyákarana" est le nom du chapitre que reprend Georges Cœdès dans sa traduction de la Jinakālamālinī concernant la visite de Bouddha à Lamphun.
(3) Pour écrire cette chronique j'ai compulsé de nombreux livres et sur l'un d'eux j'ai lu : Ajan Kraisri Nimmanhaeminda. Ce qui pourrait signifier que cet auteur a - peut-être - à une certaine époque et sur plusieurs années, été l'ajan du rite de Pu Saeh et de Ya Saeh, d'autant qu'il donne la traduction de certaines invocations à adresser aux esprits ?!...
Photo 2 : Une vue prise à partir de la route conduisant au parc royal de Ratchaphruek (อุทยานสวนหลวงราชพฤกษ์). Elle montre le Doï Kham (ดอยคำ) surmonté du Wat Doï Kham (วัดดอยคำ) et en arrière-plan le Doï Suthep dont le Wat n'est pas visite de cet endroit. (Photo du 20.09.2016)
Photo 3 : Une représentation du grand roi Lawa Khun Luang Wirangka (ขุนหลวงวีรังกะ). Cette statue se trouve dans un ashram ou petit pavillon au sein du Wat Doï Kham. (Photo de 2007)
La venue de Bouddha au Lanna (Buddhabyákarana).
Cette venue de Bouddha au Lanna n’est pas sans rappeler certains rites et mythes de l’Inde, mettant en scène un changement d’ordre, ou de régime, voire de croyance. (1) Dans le cas présent l’auditeur, qui sait écouter, est informé que le bouddhisme va prochainement (Quelques siècles quand même !...) se substituer à l’animisme et à la barbarie régnants sur les terres du futur Lanna.
Le résumé qui suit se réfère au 80ème chapitre de l’Harivamsa, mais deux autres livres racontent ce mythe : le 10e livre du Bhâgavata Purana et le 4ème livre du Vishnu Purana.
L'histoire du mythe indien :
D’après un oracle, Kansa, un usurpateur sanguinaire qui règne à Mathura en Inde, doit être destitué et tué par l’un de ses neveux. Ce dernier, Krishna, sera un avatar de Vishnu.
Pour se maintenir sur son trône Kansa, qui connaît l'oracle, fait mettre à mort, dès leur naissance, tous ses neveux et demande de l’aide à un démon qui prend la forme d’un cheval appelé Kéśin. (1)
Ce Kéśin est un cheval ‘’indompté, violent qui massacre les vaches et les bergers et dévore leur chair‘’. Il est … ‘’ivre de sang et de carnage‘’ … et un … ‘’monstre sanguinaire‘’. Après son passage …‘’la forêt se trouve semblable à un cimetière couvert d’ossements humains‘’ (2).
Malgré les précautions prisent par l'usurpateur Kansa, l’oracle se réalise … Krishna, neveu de Kansa, en plongeant son bras dans la gueule du cheval Kéśin lui fracasse les dents et le fend en deux parties égales, et … exactement de la même manière que le buffle d'eau qui est sacrifié lors du festival Liang phis dong, un festival dont nous reparlerons plus bas.
Suite à ce combat, le roi Ugrasena est rétablit sur son trône, et un nouvel ordre s’instaure. C’est la civilisation qui remplace la barbarie.
Au Lanna c’est le Bouddhisme qui va succéder à l’animisme et à la barbarie.
Le cheval cannibale Kéśin n’est pas sans faire penser à Pu Saeh dont le nom signifie ‘’Grand-père paternel (Pu) cheval (Saeh) ‘’ et à Ya Saeh dont le nom signifie ‘’Grand-mère paternelle (Ya) cheval (Saeh), tous deux prédateurs et amateurs de chair humaine ?!... Troublant non ?!...
Krisna pourrait-être identifié à Bouddha, et comme par hasard le père de Krisna portait le nom de … Vāsudeva dont la première épouse s’appelait Rohini comme la rivière de Chiang-Mai (Rohininadi devenue Rohini.) s’écoulant du Doï Suthep pour aller flâner du côté du Wat Chet Yod, c’est-à-dire là où allait méditer … le rishi Vāsudeva, soi-disant fils de Pu Saeh et de Ya Saeh ?!...
L'auteur de la chronique, à mon avis, n'a pas été sans se référer au mythe indien, qu'on retrouve jusque dans les noms des personnages. Je m'explique.
Quelques mots sur la signification des noms : Pu Saeh et Ya Saeh (3)
(Un nom n'est jamais donné au hasard et signifie toujours quelque chose.)
Pu Saeh (ปู่แสะ), se prononce Pou sai, et s’écrit aussi Pu Sae ; auparavant Pu Saeh était appelé Ji Kham (จีคำ) ou Chi Kham (ชีคำ), ce qui se traduit par : ascète de la montagne d'or, la montagne d'or étant le Doï Kham.
Ya Saeh (ย่าแสะ), se prononce Ya Sai, et s’écrit aussi Ya Sae, voire Ña Sae. Elle était auparavant appelée Ta Khio (ตาเขียว), ce qui se traduit en Thaï par oeil vert ou foudroyant ou mauvais, bref ... le mauvais œil, l'œil qui tue. Aujourd'hui l'expression se traduit par ... œil au beurre noir ?!... C'est déjà un peu moins violent car il n'y a pas mort d'homme. Mais ... comme rien n'est simple ce "Ta" concerne un Lawa ou Lua or, en langue Lawa "Ta" précédant un nom est une marque de grand respect qui pourrait se traduire par "honorable aïeul" - "vénérable ancien". Un embrouillamini voulu ou un hasard curieux ?!...
A bien y réfléchir "Pu" (grand père) pourrait aussi être une marque de respect ?... ce qui ferait de Pu Saeh un ... gentil plutôt qu'un méchant ?!...
Quant à leur fils son nom d'origine est inconnu. Alors du fait qu'il ait été instantanément converti par Bouddha, il a été appelé Sudeva Rikshi (สุเทวฤาษี). C'est ce personnage qui donnera son nom au Doï Suthep ... Sudeva/Suthep, une montagne qui s'est successivement appelée ..."Ucchupabbata" (le mont de la canne à sucre) et Doï Ngoen (le mont d'argent)..
Ces personnages, aujourd’hui devenus esprits, ont de nombreuses ‘’demeures‘’ et symbolisent un couple d’ancêtres cannibales, portant le nom de … cheval, cheval cannibale en quelque sorte ?!.... Saeh signifie bien ... dans la langue ancienne (Yuon) "cheval". Le mot "ma" (ม้า) pour désigner un cheval a aujourd'hui remplacé cet ancien vocable.
(2) Extraits de l’Harivamsa traduit par M. Alexandre Langlois.
(3) Avec la main mise du Siam sur le Lanna, la langue Yuan ou Yuon a été "siamoinisée" et continue d'être "Thaïcisée". Ainsi par exemple Chi Kham (ชีคำ) est la forme siamoise de Ji Kham (จีคำ) mot Yuon (Lanna).
Jī (จี) en langue Yuan ou Chi (ชี) en langue siamoise, d'après Olivier de Bernon, est un mot d'origine khmère et non sanscrite ou palie, qui sert à désigner un religieux vêtu de blanc, autrement dit ... un ascète.
En début de locutions verbales il donne naissance à de nouveaux mots. Ainsi un Jītan (จี?...) (*) est un vénérable et un Jī-pha-khao (จีผ้าขาว) (religieux- tissus-blanc) est un ascète, un religieux couvert d'un habit blanc. Dans une version du Vessandara, Jūjuka ou Jujok (ชูชก), le brahmane cupide et avare est appelé Jī-pluéi (จีเปลือย) C'est-à-dire le religieux dénudé ou pratiquement nu, sans doute du fait de son avarice. Par contre, Chi-pluéi (ชีเปลือย) signifie lui, nu, nudiste mais aussi gymnosophiste c'est-à-dire un ascète indien méditant pratiquement nu. Bref, Chi (ชี) a formé lui aussi de nombreux mots comme Chi-mut (religieux-obscur/sombre) (ชีมืด) c'est-à-dire religieuse cloitrée, etc... etc...
(*) Je n'ai pas réussi à trouver la traduction en Thaïe.
Ces explications ont été données pour souligner que Pu Saeh était autrefois assimilé à un ascète et Ya Saeh dite Ta Khio (ตาเขียว) à un être au regard impitoyable car "ta" (ตา) désigne tout à la fois l'œil, un grand-père maternel et ... et ... serait aussi un ... ''intitulé" décerné à une personne respectable ?!.... Bref !... pourquoi ces changements de noms ?!... il y a surement une ... ou des ... raison(s) !....
En bref, les Lawas étaient à l'origine des cannibales, c'est vrai. Mais les deux orgres ont été inventés de toutes pièces pour les besoins de la cause, la cause bouddhique d'une part mais aussi T'aïe car ces derniers doivent beaucoup aux croyances Lawas (Ils ont adoptés nombre de leurs esprits et pratiques religieuses) et parfois il y a des origines qu'on cherche à cacher ... pour quantité de raisons. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire ... hélas ?!...
Photo 2 : Le dieu Krishna terrassant Kéśin, le cheval démoniaque, en lui plongeant son bras dans la gueule. Une aquarelle de 27,94 X 18,73 cm extraite d'un Bhagavata Purana édité vers 1750 en Himachal Pradesh.
Photo 3 : Le dieu Krishna terrassant Kéśin, le cheval démoniaque, en lui plongeant son bras dans la gueule. Une terre cuite datant des Gupta (-321-500) (Métropolitan Museum)
Photo 4 : La démone (?...) Ya Saeh telle qu'on peut la voir dans son Ashram du Wat Doï Kham de Chiang-Mai. (Photo de 2014)
Les chroniques :
Selon les chroniques citées ci-dessus, Bouddha depuis son lieu de vie, la forêt d'Isipatana à Bénarès en Inde, alors appelé Vârânasî, quelques jours avant son parinibanna (ปรินิพาน) (1) du fait de ses multiples dons (2) se serait transporté par la voie des airs, en compagnie de nombreux disciples et de Phaya In (Indra) (พระอินทร์), sur des terres qui allaient prendre le nom de Lanna. L'objet du voyage était alors de sanctifier nombre de lieux où allaient s’élever, d’ici quelques 1.008 ans, (3) par exemple ... la ville de Lamphun dans le pays "Samadesa" ou "Muang Ping" ... ainsi que divers édifices d'où serait diffusé son enseignement, à savoir ... le dharma.
Ce fut alors l’occasion pour Bouddha de laisser quelques indices, comme des empreintes de son pied, ou quelques reliques comme une mèche de deux ou trois cheveux, afin de témoigner en temps opportun et … opportunément … de sa venue au Lanna ; mais aussi de la prédestination du Lanna à être une terre bouddhique, et encore ... des dons exceptionnels de Bouddha comme sa grande clairvoyance !....
Bouddha, en se rendant au Doï Kham va, pour les uns s'étonner du manque de population ... des ogres ont dévoré tous les individus de l'endroit, et pour les autres auteurs être suivi par une famille de cannibales d’ethnie Lawa.
Cette famille se composait alors du père, Pu Saeh, de la mère Ya Saeh et d'un fils (4) que la tradition appellera Sudeva Rishi (สุเทวฤาษี). Cette famille d'anthropophages, était originaire du Doï Kham, une montagne perdue au milieu de la jungle ; de là elle terrorisait toute la région parce qu'elle tuait sans la moindre pitié tous les individus qu'elle rencontrait pour se nourrir de leur chair.
Alors à la vue de Bouddha, la famille exulta, d'autant qu'autour du Doï Kham les humains se faisaient de plus en plus rares. Elle s'approcha donc de Bouddha dans le but de le tuer pour le dévorer.
Bouddha, doué de pouvoirs paranormaux, devina les intentions des cannibales ; alors sans se départir et avec un art qui lui est propre, tout en marchant, et pour les convertir il entama la conversation avec la famille d'anthropophages.
La petite troupe marcha fort longtemps, car leurs pas les conduisit dans la forêt de Ban Pang Hai, (บ้านปางไฮ) (5), à quelques cinquante ou soixante kilomètres du Doï Kham, au lieudit "Pa Phayom" (ป่าพะยอม) c'est-à-dire la forêt des shoreras (6) un bosquet qu'une chronique situe - à tort - à quelques kilomètres à l'est du Doï Kham.
En cet endroit Bouddha, par le biais de son enseignement, était parvenu à convaincre la petite famille à respecter certains préceptes, et en particulier, le premier "Tu ne tueras pas". Ce qui signifiait que la famille renonçait à la consommation de chair humaine. Il est vrai que Bouddha, sans doute pour les impressionner, venait de laisser l’empreinte de son pied (7), une empreinte de plus de deux mètres de long, sur un rocher qui se trouvait à proximité ?!...
(2) Les dons paranormaux de Bouddha sont légions. Il a, entre autres, le don de la perception du temps à venir ou de la révélation de l'avenir, dit l'anāgatāngsannana (อนาคตังสัญณาณา) celui de la puissance mentale et de la justice, dit bunyaphinihan (บุญญาภิณิหาน) c'est-à-dire la volonté indéfectible à faire de bonnes actions.
(3) 18 – 108 – 1008 et les nombres constitués de 0, 1 et 8, sont des Chiffres sacrés en Inde et par voie de conséquence en Asie du Sud-est. Cependant, si les môns ont introduit le bouddhisme au Lanna vers 650 ou 750 du calendrier grégorien, (*) le nombre d’années est à reconsidérer. En effet, il y a entre le calendrier bouddhique et grégorien une différence de 543 ans environ. Il suffit donc de rajouter ces 543 années à 650 ou 750, date d'arrivée des môns, pour avoir le nombre d’années approximatif entre le ‘’décès‘’ du bouddha et la période ou vont s’élever les Wats, c’est-à-dire en arrondissant : (543 + 650) = 1.190 ou 1.290 ans ?!... et non 1.008, à moins que ce chiffre se rapporte au règne de Mengraï (1296-1317) le premier roi du Lanna ?!... ce qui serait étonnant.
A noter que Lamphun s'élève alors dans le "Samadesa" ou "Muang Ping" qui deviendra "Yanakarattha", et non dans le Lanna. Le mot Lanna, je l'ai déjà signalé, n'étant entré en littérature qu'en 1553 c'est-à-dire quelques années après la rédaction de la chronique concernée, le Damnān Phra Dhātu Haripuñjaya. Autrement écrit, la prédiction aurait été plus précise si la chronique avait été écrite après 1553.
(*) Il y a des textes qui donnent 663 comme avènement de la reine Nang Chamadhevi ?!... et des historiens qui pencheraient pour un siècle plus tard c’est-à-dire vers … 750 ?!...
(4) D'après les médiums de ces trente ou quarante dernières années, qui ont été impliqués dans les divers sacrifices, dont nous allons parler plus bas, Pu Saeh et Ya Saeh auraient eu 32 enfants ?!... j'écris bien : d'après les médiums, qui était alors en transes. Ce qui signifie que je leur laisse l'entière responsabilité de ce nombre y compris celle du nom d'une de leur fille, l'aînée de la fratrie ... Mae Kham Khiao (แม่คำเขียว) ?!....
(5) C'est le village de Ban Pang Hai, (บ้านปางไฮ) un village ... "Lawa", qui existe encore de nos jours, qui a donné son nom à la forêt en question.
(6) Le Phayom (พะยอม) est un nom d'arbre qui correspond en botanique au Shorea Roxburghii G. Don. Cet arbre du Sud-est asiatique peut atteindre 40 mètres de haut et un diamètre de 95 centimètres. A Chiang-Mai et dans le nord il est aussi appelé : Kayom (กะยอม) et Phayom dong (พะยอมดง) le dong pourrait signifier que c'est un arbre de la jungle. Ce serait un arbre en voie de disparition ?!...
(7) L’empreinte laissée par Bouddha est visible au Wat Phra Phutthabat Si Roi (พระพุทธบาทสี่รอย) c’est-à-dire Le ‘’Wat des très grands Bouddhas aux quatre empreintes‘’ … sous-entendu …de pieds‘’. Ce Wat se situe dans la forêt de Ban Pang Hai (บ้านปางไฮ), non loin de Mae Rim (แม่ริม) à une cinquantaine de kilomètres de la porte Chang Phuak de Chiang-Maï. Il y a en fin de parcours 18 kilomètres de lacets et de montagnes russes. Mais la route est bonne sur les 50 kilomètres.
D’après les légendes il y aurait en ce lieu, quatre empreintes superposées. Chacune d’elles aurait été laissée successivement et en son temps par un Bouddha du passé : Kakusandha, Koṇāgamana et Kassapa. La quatrième est celle du Bouddha du temps présent C’est-à-dire Gautama. Le Bouddha des temps futurs, Maitreya devrait à son tour venir en ce lieu laisser l’empreinte de son pied.
Ce site aurait été découvert par un chasseur qui, après avoir vu tomber derrière un fourré une biche qu’il avait blessée d'une flèche, la vit se relever et partir encore plus fringante qu’avant de l’avoir touchée. Intrigué, cet homme se rendit derrière le buisson. Il y avait là une mare d’eau où il fut obligé de mettre les pieds. A peine venait-il de se tremper dans cette eau que sa maladie de peau disparue. Alors il lui fallut peu de temps pour comprendre qu’il était au cœur de quelque chose de sacré.
L’aventure du chasseur se répandit comme une véritable trainée de poudre et finit par tomber dans les oreilles de quelques érudits qui s’empressèrent de la rapporter au roi d’Ayutthaya, Somdet Phra Chao Song Tham (สมเด็จพระเจ้าทรงธรรม) (1610-1628). (Le Lanna est alors vassal de la Birmanie et gouverné par le roi de Nan.) Ce qui signifierait que la chronique dont se sert Monsieur Kraisri Nimmanhaeminda (1912-1992) auteur de "The Lawa Guardian Spirits of Chienmai" (Les esprits Lawa gardiens de Chiang-Maï), aurait été écrite au cours du XVIIe siècle et non pas du XVIe ?!...
Ce roi, depuis le retour du Sri Lanka d’une délégation de moines qui était allée s’incliner devant une empreinte du pied du Bouddha, avait appris de ces moines que les Lankais étaient en possession de textes où il était écrit qu’il existait au Siam (Aux alentours du royaume d’Ayutthaya) une empreinte des Bouddhas. Mais encore fallait-il la trouver.
Le récit du chasseur tombait à pic et l’empreinte fut mise en valeur en l’an 1623 ?!... d’après les textes ?!...
Nota bene : Il existe plusieurs légendes concernant des "Phrabats" (พระบาท) dans les environs de Chiang-Mai. J'ai noté celles près de : Hot, "Phrabat Muang Hot" (พระพุทธบาทเมืองฮอด), près de Lamphun il y a "Phrabat Huay Khao Tom" (พระบาห้วยข้าวต้ม) et près de Pasang il y a le Wat Phra Phutthabat Tak Pha (วัดพระพุทธบาทตากผ้า) entre autres très certainement ?!....
Photo 1 : Cette photo trouvée sur le Net montre le modeste Viharn qui s'élevait encore, il n'y a pas si longtemps, près des empreintes. Ces dernières années des travaux pharaoniques sont entrain de détruire la sérénité des lieux ... voyez plutôt les photos qui suivent.
Photo 2 : Dans la galerie construite autour d'un extravagant Viharn des peintures murales relatent les différentes étapes qui ont suivi la découverte des empreintes. Cette fresque de style néo-Lanna montre l’essartement des lieux. Par la suite, dans les années 1920 Phra Kruba Sri Vichaï fera construire un abri pour protéger les empreintes. Aujourd’hui le lieu est en cours d’aménagement, vraisemblablement pour en faire un lieu … touristique ?!... Hélas !...
Photo 3 : Les empreintes des quatre Bouddhas. Pour mieux les différencier je les ai numérotées. 1/ l’empreinte la plus grande, est celle du Bouddha Kakusandha ou Kakusauto, (พระกกุสันโธ) 2/ l’empreinte du Bouddha Koṇāgamana ou Koṇāgamano, (พระโกนาคมนะ) 3/ Kassapa ou Kassapho, (พระกัสสปะ) 4/ l’empreinte du Bouddha Gautama ou Koutamo. (พระโคตมะ). C’est la plus petite.
Photo 4 : La face ouest du sanctuaire (ubosot ?...) flambant neuf élevé au ‘’Wat Phra Buddha Bat Si Roï‘’ en plein travaux démentiels. (Toutes ces photos sont du 12 mars 2016)
Émerveillé et stupéfié par le prodige, Sudeva Rishi le fils, accepta d’emblée de ne plus se nourrir de chair humaine et animale et de mettre ses pas dans ceux du Bouddha. Mais ses parents tentèrent de négocier cet abandon. Ils voulaient bien, comme leur fils, consentir à … mais … à la condition de pouvoir manger un humain par an. Comme Bouddha refusa, ils proposèrent alors de dévorer un homme, seulement … une fois tous les sept ans. Puis à défaut de chair humaine, ils sollicitèrent l’autorisation de boire une goutte de sang humain grosse comme la tête d’une mouche ?!...
Bouddha resta inflexible à toutes leurs propositions, cependant il leur concéda de pouvoir consommer de la chair fraîche, mais celle d’un buffle d'eau et, à la condition que ce buffle d'eau soit acquis … honnêtement et via le pouvoir royal en place. Ce qui signifie, pour qui sait lire entre les lignes, que les Lawas doivent se soumettre au pouvoir des thaïs du nord Bouddhistes.
Pour les remercier de se conformer à ses préceptes, Bouddha leur aurait laissé deux cheveux puis il aurait repris la voix des airs. Ce fut alors qu’Indra, le dieu des dieux, intervint. D’après nombre d’écrits il aurait déposé ces cheveux dans une petite urne d'émeraude, creusé une crypte sur le faîte du Doï Kham dans laquelle il aurait précautionneusement déposé les saintes reliques. Puis comme il se doit, selon la coutume, il aurait bâti un tout petit Chédi au-dessus de cette crypte.
Quelques jours plus tard, et tout à fait opportunément, la pluie se serait mise à tomber sans modération et cela pendant trois jours et trois nuits. De ce fait les alentours furent inondés, la rivière voisine déborda et déversa son surplus d’eau dans la grotte du Doï Kham. Jusque-là rien d’anormal, sauf que, en sortant de la grotte l’eau charriait des pépites d’or au point d’en être toute jaune. A partir de ce jour les indigènes donnèrent à ce petit mont du Suwan Banphot (สุวรรณบรรพต) le nom de … Doï Kham !... c'est-à-dire la montagne d'or!
Concernant les ex-cannibales, d’après l’opuscule consacré au Wat Phrathat Doï Kham, (1) Pu Saeh serait allé pratiquer la méditation au pied du Doï Suthep, là où s’élève aujourd’hui le Wat Faï Hin et où s'étend l'université. Ya Saeh, elle, se serait improvisée gardienne de la relique déposée par Indra au Doï Kham, et Sudeva Rishi tout en bas du Doï Suthep, là où coulait la rohininadi (non loin du Wat Chet Yod) se serait adonné à la méditation.
Après le décès du couple d’anthropophages, que les gens au fil du temps qualifièrent d’ogres, de géants, de démons (yak) (ยักษ์) et autres noms à faire peur, chacun d’eux serait devenu un esprit errant tout aussi effrayant, sinon plus, que durant leur vivant. Alors des demeures leur ont été dressées, et des offrandes leurs sont faites encore aujourd’hui, pour s’assurer ad vitam æternam de leur bienveillance, de leur protection, voire apaiser leurs instincts ‘’cannibalesques‘’ … sait-on jamais ?!.... Mais, avec la modernisation leur culte décline de décennies en décennies, (2) comme partout le souvenir des ancêtres sombre dans l'oubli.
A une certaine époque Pu Saeh et Ya Saeh étaient les grands esprits gardiens de la région de Chiang-Mai, c'est-à-dire du ... Lanna. Certes, ils le sont toujours, mais surtout sur le papier. Autrefois le pouvoir en place, celui de Chiang-Mai, participait financièrement à l'achat des buffles, tandis qu'aujourd'hui il n'y a plus qu'un buffle de sacrifié et ce sont quelques représentants du peuple qui perpétuent la tradition en mettant la main au gousset ; ce qui forcément donne moins de panache au rite mais souligne combien la ferveur populaire est attachée à ses traditions tout en faisant, avec le respect qui se doit, un pied de nez au pouvoir central c'est-à-dire à celui de Bangkok qui, malgré toutes ses sournoises manigances n'a pas encore réussi à tordre le cou à tout ce qui se rapporte à la culture du Lanna.
(2) Tous les ans en souvenir ou en l’honneur de Pu Saeh et Ya Saeh se tient, au bas du Doï Kham le festival Liang dong (เลี้ยงดง) lors duquel un buffle est sacrifié et dont nous allons décrire plus loin la cérémonie.
Dans les temps jadis donc, devant chacune des deux demeures, il fut de tradition de sacrifier un animal, un buffle d'eau pour Pu Saeh et un porc pour Ya Saeh. Puis au cours des ans chacun d'eux eu son buffle d'eau selon des critères bien précis.
Le buffle d'eau de Pu Saeh devait être un buffle d'eau "phuak" (1) avec des cornes aussi longues que ses oreilles (ควายเผือกเขาเปียงหู ) et celui de Ya Saeh, un buffle d'eau "noum" (2) avec des cornes aussi longues que ses oreilles (ควายหนุ่มเขาเปียงหู)
Les animaux étaient sacrifiés lors de deux jours consécutifs, soit une journée pour un esprit et son animal.
(2) "noum" se traduit par "jeune" - "juvénile", là encore il s'agit d'un jeune buffle d'eau ne s'étant jamais accouplé.
Le jour du sacrifice, au bas du Doï Kham, près du sanctuaire de Pu Saeh et de Ya Saeh, vers 7 heures 30, les lieux commencent à grouiller de monde. Des photos souvenirs sont prises.
Photo 1 : Vers 7 heures la vie s'anime autour du sanctuaire de Pu Saeh et de Ya Saeh.
Photo 2 : L'un des donateurs (นาย รอนเน่อร์ ติว) et son épouse (คุณเขมิกา มณีจร) ayant contribué aux frais de la cérémonie pour la somme de 33.000 baths posent près du maire de Mae Hia, le major Thanawat Yot Djaï (ท่าน ธนวัฒน์ ยอดใจ ).
Photo 3 : Une généreuse donatrice de Lampang Madame Buaphan Munthon (คุณบัวผัน มุ้นทร) ayant fait un don de 10.000 bahts prend aussi la pose souvenir.
nota : Le coffre noir qui se trouve derrière les donateurs contient le Phra Bot.
(Photos du samedi 16 juin 2016)
Le rite de Pu Saeh et de Ya Saeh ...
Un rite de protection, venu de la nuit des temps, qui est aussi un rite agraire et de fertilité :
Comme je l'ai déjà écrit, le Lanna a hérité de ses croyances en tout premier lieu ... des Lawas. Ils furent vraisemblablement parmi les tout-premiers occupants, et pendant quelques millénaires, des terres de la péninsule indochinoise. Puis, au Lanna, après les incursions des Khmers et des môns qui vont, surtout pour les môns, installer un nouveau type de société, (1) suivront les influences bouddhiques indiennes.
Pour pénétrer au Lanna ces dernières emprunteront les voies birmanes, Sri Lankaises, Khmères, Siamoises et aussi Chinoises.
(Voire la carte plus haut). Quant aux t'aïs venus du sud de la chine (Yunnan) il semblerait que pour un certain nombre d'entre eux ils aient assez rapidement fait cause commune avec des villages Lawas et de ce fait ... adopter leurs us et coutumes, (2) du moins dans Chiang-Mai et sa périphérie, car passé une trentaine de kilomètres au-delà de Chiang-Mai, il y a encore des villages Lawas. L'assimilation prend son temps, mais l'attractivité de la vie moderne auprès des jeunes accélère le mouvement ?!...
Ces croyances Lawas sont issues de l'animisme. Autrement écrit le sacrifice du buffle-d'eau remonte à la nuit des temps au point de le trouver dans toute l'Asie du Sud-Est y compris en Indonésie et dans tout le sous-continent indien. (3) Mais alors que l'Inde mégalithique est passée au Védisme, puis au Brahmanisme d'où naîtront le bouddhisme, le Jaïnisme et quelques autres courants religieux, les Lawas en sont restés à leurs mœurs d'origine qui, au cours des siècles se sont, bien évidemment, modifiées quelque peu pour diverses raisons.
Ces gens, les Lawas, étaient persuadés, et le sont toujours pour certains d'entre eux, car il y a toujours des villages Lawas au Lanna, que la vie sur terre se poursuit dans un autre monde. La mort n'est donc qu'un passage d'une forme de vie à une autre. De ce fait leurs cultes ont pour objet de demander aide et protection à leurs ancêtres qui vivent dans ce royaume de l'au-delà.
Dans leurs villages deux types de poteaux sont révélateurs de ces croyances et de ces pratiques. Les plus petits, "nām" (นาม) ou "lagnām" (หลักนาม), sont des poteaux commémoratifs qui servent à des sacrifices individuels pour demander une protection personnelle auprès d'un décédé en particulier. Les plus grands, ou "sagang" (สะกัง - ผี ด็องสะกัง) sont la représentation de l'esprit protecteur du village et servent à des sacrifices communautaires ... (4). Car c'est le village tout entier qui demande aide et protection et qui participe au sacrifice.
Ces poteaux, outre leur rôle de représentativité, sont aussi le point d'attache des animaux à sacrifier, car un animal ne peut être mis à mort sans être lié, selon le type de sacrifice, à l'un de ces poteaux où il passe ... et passait naguère de vie à trépas au moyen d'une lance qui l'atteignait en plein cœur.
Dans le cas du buffle lié à un "sagang", le sacrifice est offert à l'esprit du village, c'est-à-dire à une sommité bienveillante vivant dans l'au-delà et protégeant le village. Autrement écrit, cet esprit n'est ni un démon et ni un ogre, mais celui qui va intervenir avec bienveillance pour que les récoltes soient abondantes et que les épidémies épargnent la communauté, entre autres demandes.
(2) ''l'intrusion'' t'aï peut - peut-être - se comparer à l'arrivée des Karens dans la région de Mae Sariang. Ces nouveaux venus n'avaient rien, alors ils demandèrent aux Lawas à louer des terres et quelques éléphants. L'accord se fit avec l'assentiment du roi de Chiang-Mai qui alors en profita pour exiger l'hommage des uns et des autres.
Les Lawas en louant quelques lopins de terre et quelques éléphants reçurent en contrepartie une "dîme" en proportion des récoltes engrangées par les Karens. Mais ... au fils des ans les surfaces louées augmentèrent et petit à petit les Lawas, vivant de leurs revenus de ... location ... finirent par être dépossédés de leurs terres ?!... Par voie de conséquence ... la population Karen augmenta tandis que celle des Lawa diminua.
C'est peut-être ce qui s'est passé dans la région de Chiang-Mai avec les t'aïs ?!... A noter que dans les environs de Mae Rim, à trente kilomètres de Chiang-Mai, il existe encore quelques villages Lawas. A noter aussi que les chroniques parlent parfois d'une gouvernance de village à deux ... un roi et un vice-roi ?!... Un t'aï et un Lawa ?!... une hypothèse à creuser ?!....
(3) Pour les férus d'astrologie : Cette époque pourrait remonter à l'ère du taureau soit environ, par rapport à notre ère, celle du verseau, à quelques ... 6.000 ans ?... Attention ... ce n'est qu'une hypothèse.
L'Inde et le Sud/est asiatique ont partagé une culture néolithique.
(4) Le sagang, un poteau d'environ trois ou quatre mètres de haut, s'élève en général devant la maison commune des villages. A l'origine ce sagang était une stèle mégalithe, c'est-à-dire une pierre levée qui n'est pas sans faire penser aux Sao Muang (เสาร์เมือง), ou sao lak muang qui tous deux désignent l'esprit gardien protégeant tout le Muang comme, par exemple à Chiang-Mai le sao Inthakhin ?!...
J'ai trouvé aussi une autre explication : Dans les villages Lawas le chef religieux porte le nom de "samang". Il est tout à la fois le représentant de la famille royale qui descent d'un roi légendaire, souvent il s'agit de Khun Luang Wirangka (ขุนหลวงวีรังกะ), et le gardien de la culture Lawa. Ce sagang représenterait alors sa lignée ?!...
Des archéologues ont fait remarquer que les parties supérieures des sagangs reproduisaient les symboles sculptés sur les mégalithes retrouvés du côté de Mae Sariang et dont certains jonchent les sols, victimes des affres du temps.
Le jour du sacrifice, au bas du Doï Kham, près du sanctuaire de Pu Saeh et de Ya Saeh, vers 8 heures, un hommage est rendu aux deux esprits.
Photo 1 : Sur le piédestal ou l'autel de Pu Saeh et de Ya Saeh des offrandes ont été déposées et disposées selon un ordre particulier. Des incantations sont dites et vers 8 heures les autorités portent la flamme signifiant que la cérémonie est ouverte.
Photo 2 : La sempiternelle photo avant le départ de la procession.
Photo 3 : Puis un dernier hommage aux esprits est rendu par les danseuses, toutes originaires de chacun des villages. Elles sont neuf par village d'où les différentes toilettes. Compte tenu de leur nombre deux villages ne devaient pas être représentés.
(Photos du samedi 16 juin 2016)
Les esprits du muang et le Bouddhisme à travers les âges:
La naissance du Lanna : (1296-1355)
A l'origine donc, les esprits qui protégeaient le muang, mais un muang au sens large, n'étaient ni des démons et ni des ogres mais bien au contraire des ancêtres dont la conduite fit l'admiration, en leur temps, de leurs semblables. Même chez les cannibales il y avait, et il y a, des gens remarquables et attentifs à leurs semblables ... comme dans toutes les communautés humaines. (1)
Autrement écrit, les esprits tutélaires protecteurs de Chiang-Mai (Nabbisirājadhāni) ou plus exactement de "Lawa Wiang Nopburi", et de ses environs furent diabolisés et, après avoir reçu différents noms, ceux de Pu Saeh et de Ya Saeh leur sont restés.
Cette "diabolisation" et quelques autres stratagèmes de la même veine durent commencer sous le règne de Phra Chao Mengraï (1237-1261-1319) (พระเจ้าเม็งราย) le fondateur de Chiang-Mai et du Lanna, qui au cours de son règne, vers 1296 prêta une oreille attentive au Bouddhisme sans abandonner ... l'animisme qui avait accompagné et baigné toute son enfance et sa vie de jeune homme, sans toute fois avoir - peut-être - ignoré le bouddhisme, celui venu de Chine, voire ... des môns ?!....
D'après Aroonrut Wichienkeeo, (2) lors des rites des tout premiers royaumes t'aïs, et plus particulièrement ceux d'intronisation, une délégation, ou des représentants Lawas, assistaient à ces rites, qui vraisemblablement devaient être copiées sur les leurs. Pour donner du crédit à cette présence, il s'appuie sur différents textes dont l'un se rapporte au couronnement du roi Nam Thuam (1253-1264) à Chiang Tung, aujourd'hui Kengtung (Kyaington), (3) pour souligner que cette ... tradition remontait au XIIIè siècle, c'est-à-dire au tout début de la création des royaumes qui, par la suite vont faire l'actualité, comme ceux du Lanna et de Sukhothai ... entre autres.
Mengrai dont on oublie qu'il était le dernier roi de la dynastie des Lavacankaraja, se faisait appeler en 1262 : "Roi de Lavarājā Xieng Raï". C'est-à-dire "roi de Chiang-Raï descendant des Lavacankaraja". Le début du nom de cette ancienne dynastie n'est pas sans ... ressembler phonétiquement à ... "Lawa" ?!... de ce fait, Mengraï ne serait-il pas d'origine Lawa ?!...
Quoiqu'il en soit, Mengraï est né au sein d'un grand royaume Lawa en dilesquescence qui s'était largement développé autour du Doï Tung ; (4) ce qui signifie que Mengraï ne pouvait pas ne pas connaître la culture Lawa et entretenir des liens particuliers avec ses chefs (samang) et ses rites.
Lorsqu'il "découvrit" le site de la future Chiang-Mai il y rencontra un "ancien" qui ne pouvait être qu'un Lawa, lequel lui aurait demandé de prendre soin de l'Inthakhin, le sao ou pilier de la ville précédente, c'est-à-dire, à mon avis, la ville sur laquelle s'est érigée Chiang-Mai. Ce vieil homme lui aurait aussi remis un opuscule intitulé "Laï Chia Lua" (ลายเจี้ยลัวะ) concernant le monde des Lawas.
Par ailleurs, son conseiller "Ai Fa", grâce auquel il s'empara de Lamphun en 1281 était de noblesse ... Lawa.
Bref, Mengraï et les Lawas ont eu un long parcourt en commun ce qui ne l'a pas empêché d'être bienveillant avec les missionnaires Bouddhistes dont les successeurs n'auront de cesse que mettre fin aux pratiques animistes pour que triomphe pleinement la religion de bouddha.
Ces moines appartenaient à l'école mône de Lamphun, dite l'école bouddhique du Rāman ou encore l'école indigène. Parmi eux, les moines ermites itinérants faisaient l'admiration de tous. Alors très vite leur influence alla grandissante. De ce fait ils finirent par se mêler de tout, tant des affaires du royaume que de celles de la société civile où, très souvent, les questions d'argent n'étaient jamais bien loin. Leur influence ou emprise (?) s'étendit sur environ un demi-siècle, jusqu'au règne du roi Kü Nā (Kilanā) (1339-1367-1388 ou 1355-1385). (Il y a interrogations au niveau des dates, alors je donne les deux propositions.)
Lorsque le roi Kü Nā arriva au pouvoir, sous prétexte de "purifier" le bouddhisme mais aussi, vraisemblablement, de mettre un peu de distance entre lui et le sangha indigène devenu quelque peu ... oppressant, il fit appel au Thera Sumana de l'école bouddhique Cinghalaise, qui s'installa au Lanna vers 1369. Une nouvelle doctrine de langue Pali allait se mettre en place.
La formule "diviser pour mieux régner" prit alors tout son sens, mais sans vraiment faire de vague. La grande innovation fut l'introduction du pali ; ce qui ne mit pas fin à l'animisme et aux sacrifices destinés aux ancêtres.
D'autant que !... le roi "Tissarāja" plus connu sous le nom de "Sam Fang Kaen" ou encore "Sám Prayŏng" (1389-1401-1487) roi à l'âge de 12 ans, sembla se complaire à faire sacrifier des buffles, au point qu'il fut vertement montré du doigt par le théra Ratanapanna, auteur de la "Jinakālamālinī" (1516). Ce Théra écrivit à son sujet :
"Il était sans foi, favorisait les hérétiques au détriment des fidèles, adorait les démons (Yakkhadāsa) et sacrifiait buffles et bœufs aux (génies des) jardins, des arbres, des ceitiyas, des montagnes et des bois. Pour toutes ces raisons, les habitants de son royaume furent surnommés "esclaves du démon" (Yakkhadāsa). Il fit élever un grand sanctuaire nommé Puracchanna dans la belle ville de Sarātira où il était né. Il confisqua les biens fonciers, tels que rizières, affectés aux monastères bouddhiques et autres pour les donner à ce temple". (page 134 de la "Jinakālamālinī"). (Ratanapanna ne précise pas, ce qui lui brisait le plus le cœur : les sacrifices de buffles ou les pertes des revenus fonciers de ses collègues ?!...)
Georges Cœdès, le traducteur de la "Jinakālamālinī" précise dans ses annotations que sous ce roi aux "pratiques douteuses", et sans que "Sam Fang Kaen" y soit pour quelque chose, le Bouddhisme Cingalais s'implantera définitivement au Lanna. Comme quoi ?!.... le fait de sacrifier un buffle n'a jamais fait d'ombre au bouddhisme. Bref les deux modes de croyances, l'animisme et le bouddhisme, poursuivaient leur cohabitation au grand dam de certains moines et vraisemblablement à la satisfaction d'un grand nombre de sujets du royaume !...
Aussi n'est-ce pas par hasard si au cours des siècles les rites traditionnels du Lanna se sont construits en commençant par un rite bouddhique auquel s'enchaînaient (et s'enchainent encore), selon les circonstances, des rites védiques, brahmaniques mais aussi propres aux croyances des indigènes où se célébrait le rite. C'est, pourrait-on dire, un consensus œcuménique avant l'heure ?!...
(2) Aroonrut Wichienkeeo est l'un des traducteurs avec David K. Wyatt de la chronique de Chiang-Mai en anglais. Il est aussi professeur à l'Intitut Rajabhat de Chiang-Mai.
(3) Il ne faut pas confondre le roi Nam Thuam de Kengtung soi-disant fils de Mengraï (soi-disant parce que les dates sont loin de correspondre et que Mengraï n'a que trois fils connus) avec le roi Nam Thuam fils de Chai¨Songkhram et petit-fils de Mengraï qui fut envoyé gouverné Chiang-Tung et dont le nom ne figure pas sur la liste des Thao Fa (roi)de Kengtung. En fait ... peut-être s'agit-il du même ?...
(4) L'une des rivières connue aujourd'hui sous le nom de Mae saï ou Mae Nam Saï (แม่น้ำสาย) portait autrefois celui de ... "Lawa" ?!....
Le jour du sacrifice, au bas du Doï Kham, près du sanctuaire de Pu Saeh et de Ya Saeh, vers 8 heures 30 la procession se forme pour rejoindre le lieu du sacrifice distant d'environ 2 ou 3 kilomètres.
Photo 1 : En tête de la procession une banderole précisant : "Procession de Phra Bot et tradition de Liang Dong - Pu Saeh - Ya Saeh - Samedi 16 juin 2016 (ขบวนแห่พระบฏ - ประเพณีเลี้ยงดง - ปู่แสะย่าแสะ - วันเสาร์ที่ ๑๘ มิถุนายน ๒๕๕๙)
Photo 2 : Suivent les personnalités suivantes : (de gauche à droite) : 1/ (?) 2/ Mademoiselle Tasanee Buranupakorn (ทัศนีย์ บูรณปกรณ์) ancienne députée de Chiang-Mai 3/ Monsieur Thanawat Yordjai (ท่านธนวัฒน์ ยอดใจ) maire de la municipalité de Mae Hia 4/ Monsieur Boonlert Buranupakorn (นายบุญเลิศ บูรณุปกรณ์) président de l'office administratif provincial de Chiang-Mai 5/ Monsieur Prajuab Kanthiya (นายประจวบ กันธิยะ) le représentant de l'arrondissement de Chiang-Mai - 6/ Monsieur Pirun Phonratha (พิรุณ พลฤทธิ์) - chef des localités de Mae Hia 7/ Monsieur Therdkiat เกิดนพคุณ (เทอดเกิยรติ เกิดนพคุณ) conseiller du district de Mae Hia.
Photo 3 : Les enfants des écoles, suivis par ...
Photo 4 : ... Les porteurs du coffre contenant le Phra Bot, suivis par l'orchestre traditionnel, une délégation de l'université de Chiang-Mai etc... etc...
L'apogée ou l'âge d'or du Lanna : (1355-1525)
C'est - peut-être - j'écris bien ... "peut-être", sous le règne du roi Tilokaraja (1441-1487), que le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh fut associé au pouvoir royal et à la protection de tout le royaume (1) ; la ville de Chiang-Mai ayant déjà son ... "sao muang Inthakhin", un sao muang hérité des Lawas, comme dit plus haut. Mais un sao Muang aux pouvoirs de protection limités à la ville et ses environs proches. Alors que le royaume n'avait aucun génie protecteur ?!... et pour cause puisque le dit royaume, n'existait pas vraiment auparavant.
Tilokaraja porta le Lanna au sommet de sa gloire. Jamais le royaume ne fut aussi étendu et puissant. Mais jamais roi (2) ne fut aussi attaché au Bouddhisme et ... à l'animisme. Sa superstition ne connaissait pas de borne, ce qui lui valut d'être berner comme jamais un roi du Lanna ne l'avait été avant lui, tout bouddhiste qu'il était ?!...
Toujours est-il que Tilokaraja s'employa, conformément à un plan ... "magique" ... à faire de Chiang-Mai le centre du monde - rien de moins. C'est lui qui fit construire le Chédi Luang d'une hauteur de 82 mètres, devenant alors le nouveau Mont Méru, c'est-à-dire le centre de l'univers à l'instar de l'Inde ancienne.
Et ... et ... qui nous dit que ce Chédi Luang ne serait pas ... lui aussi .... un ... sagang "style Lanna" hébergeant non seulement plus de 2.000 reliques de Bouddha mais aussi ... nombre d'esprits protecteurs d'origine Lawa ?...... (1)
Tilokaraja protégea Chiang-Mai au moyen de huit temples hors les murs, (3) et de différents dispositifs ... "hors du commun et plus proches de la ... sorcellerie que du Bouddhisme" censés réduire à néant les armées ennemis qui auraient eu l'impudence et l'imprudence d'attaquer Chiang-Mai. (4). Ces dispositifs ont été mis en place et créés par son premier ministre, Sihakhot (สี้หโคด) plus connu sous le nom de "Chao Mun Dam Phra Khot (เจ้าหมื่นดำพราโคต) un ami d'enfance devenu moine et ayant effectué un séjour à Ceylan.
Ce qui me conforte dans l'idée que Tilokaraja aurait "peut-être" introduit le culte de Pu Saeh & de Ya Saeh dans la panoplie des cultes royaux, c'est la ressemblance entre les trois images en trois dimensions qui s'élèvent au-dessus de l'autel du Viharn du Wat Chédi Luang, "Phra Chao Attharot" (พระเจ็าอัฎฐารส) et l'image peinte sur la bannière dite "Phra Bot" (พระบฏ), un élément essentiel du culte de Pu Saeh et de Ya Saeh.
Cet âge d'or trouva son terme en la personne de l'arrière-petit-fils de Tilokaraja : Phra Kaeo ou Phra Muang kaeo, (1495-1525) qui laissa un Lanna très affaibli auquel les dignitaires donnèrent le coup de grâce pour cause de mésententes ... entre autres choses !...
Avant de poursuivre, deux remarques s'imposent :
1/ Un bouddha debout accompagné de deux disciples sur un autel de viharn est très très rare !.... peut-être ... unique ?... (Nous y reviendrons avec le Phra Bot - พระบฏ)
2/ L'adoption par le pouvoir en place du culte de Pu Saeh et de Ya Saeh, si elle a eu lieu, a dû être une initiative fédératrice. Ce qui n'est pas à négliger à cette époque. Le roi était le roi de tous, des bouddhistes et ... des animistes. Pour qu'un royaume soit "fort" il doit être uni autour d'un homme charismatique.
(2) Tilokaraja se nomma Phra Chao un titre qui ne revenait qu'à Bouddha. Car Phra a le sens de divin. C'était dire sa mégalomanie. Il se voulait l'égal de l'empereur Asoka.
(3) Le nom des huit temples construits ou réaménagés à la périphérie de Chiang-Mai (Chiang-Mai hors les murs) sont : Wat Chaï Sri Phum (วัดชัยศรีภูมิ) - Wat Chiang Yün (วัดเชียงยืน) - Wat Chet Yod (วัดเจ็ดยอด) - Wat Suan Dok (วัดสวนดก) - Wat Ram Poeng (วัดร่ำเปิง) - Wat Nantaram (วัดนันทาราม) - Wat Chaï Mongkon (วัดชัยมงคล) - Wat Bouppharam (วัดบุษผาราม).
(4) Les images en trois dimensions du Viharn du Wat Chédi Luang : Phra Chao Attharot (พระเจ้าหัตถ์) avec à ses côtés Maha Sāriputra (มหาสารีบุตร) et Maha Moggallāna (มหาโมคคัลลานะ) qui, soit dit en passant pour ce dernier, excellait dans les arts de la magie, n'est pas sans rappeler l'image peinte de la bannière du Phra Bot dont il sera question plus bas.
Photo 2 : Diagramme de Chiang-Mai après le règne de Tilokaraja. Il s'agit d'un Chiang-Mai hors les murs, ouvert vers l'extérieur.
Photo 3 : Les images (Statues) de "Phra Chao Attharot" (พระเจ็าอัฎฐารส ou พระเจ้าหัตถ์) accompagné de deux de ses disciples : Maha Sāriputra (มหาสารีบุตร) et Maha Moggallāna (มหาโมคคัลลานะ).(Photo du 25.03.2015)
Photo 4 : L'image (peinture) de "Phra bot" (พระบฏ) entouré de deux de ses disciples : Maha Sāriputra (มหาสารีบุตร) et Maha Moggallāna (มหาโมคคัลลานะ). (Photo du 16.03.2016)
Le déclin et la chute du Lanna : (1525-1567)
Phra Kaeo ou Phra Muang kaeo, (1495-1525) s'éteignit d'une façon suspect. Il serait mort atteint de folie et ... empoisonné pour avoir mangé de la viande d'un cheval mort de la peste ?!...
A partir de, ou bien avant ce décès les dignitaires prirent le devant de la scène et se déchirèrent pour imposer leur leader. Parmi ces derniers : Chao Ket Klao ou Muang Ket Klao qui régna une première fois de 1525 à 1538 et, après destitution, une seconde fois de 1543 à 1545. Ce second règne se termina par son assassinat et ... le mardi 28 juillet par un puissant tremblement de terre qui étêta nombre de chédis dont ... le Chédi du Chédi Luang le Chédi du Wat Phrasing et quelques autres ?!...
Un déclin qui s'accompagne d'un sacré symbole non ?!...
Le trône resta vacant faute de prétendant faisant l'unanimité des dignitaires. Alors ces derniers allèrent à Luang Prabang chercher le petit fils de Muang Ket Klao dont la fille, Nang Yot Kamthip (นางยอดคำทิพย์) était marié au roi du Lan Xang.
Ce petit fils, Chao Chethavong Lan Xang (เจ้าเชษธวงษ์ล้านช้างเม) ou Setthathirath (1546-1547) accepta l'offre, il avait alors 17/18 ans. Mais, un an plus tard, au décès de son père il s'empressa de retourner à Luang Prabang pour ceindre la couronne du Lan Xang que ses jeunes frères se disputaient déjà. A l'occasion de ce départ précipité il emporta entre autres .... le Bouddha d'émeraude, l'un des grands Palladia (protecteur) de Chiang-Mai.
Enfin Chao Mekuti Sutthiwong (เจ้าเมกุฏิสุทธิวงศ์) (1551-1558) un descendant direct de Khun Kreua, (1) fils de Mengraï, que les dignitaires allèrent chercher à Muang Nai (2) où il régnait, monta sur le trône de Chiang-Mai. Et de là, cerise sur le gâteau, il interdira tous les cultes aux esprits en général, et le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh en particulier. (3) Ce qui lui vaudra par la suite, de la part de la population, d'être rendu responsable de l'invasion et de l'occupation Birmane de Chiang-Mai et du Lanna.
Car, d'après la population, l'interdiction de sacrifier un (ou des ?) buffle à Pu Saeh et à Ya Saeh aurait eu pour conséquence le désintéressement de ces derniers vis-à-vis du devenir de Chiang-Mai et du Lanna ?!... Autrement écrit ... "La ville de Chiang-Mai et le Lanna n'étaient plus protégés par les esprits" et devenaient ainsi, un fruit mûr que les Birmans n'avaient plus qu'à cueillir.
(2) Muang Naï, un ancien royaume de l'état Shan porte aujourd'hui le nom de Mong Naï.
(3) Cette interdiction n'est pas sans soulever nombre d'interrogations, car Chao Mekuti venait d'une région, le pays Shan ... pays des Was, où se pratiquait ce genre de rituel ?....
L'occupation Birmane : (1558-1774)
L'occupation birmane n'a pas été des plus faciles. Elle a connu de nombreuses révoltes et n'a pas rencontré un vrai soutien auprès des populations ; au contraire cette occupation a été pour certaines communautés ou ethnies l'occasion de tenter de retrouver une autonomie perdue sous l'ancien régime, celui du Lanna. Aussi puissant que soit un nouveau maître il ne peut pas être présent partout à la fois, surtout à cette époque.
Ce n'est donc pas par hasard si à cette époque, les vainqueurs déportaient les populations dans leur royaume.
Cette façon de procéder avait au moins trois avantages :
1/ Se procurer de la main d'œuvre à bon marché.
2/ Affaiblir les villes conquises pour éliminer toute possibilité de révolte. (1)
3/ Réduire au minimum les garnisons d'occupation pour limiter les prélèvements en hommes de l'armée d'active.
Entre 1558 et 1664 le Lanna fut considéré comme une province birmane ; de ce fait il jouissait d'une certaine autonomie. Mais cette dernière fut quelque peu contrainte et forcée, d'une part parce que les classes populaires étaient hostiles à l'occupation birmane et d'autre part parce que le Lanna était un composite de nombreuses ethnies aux langues et aux us différents qui n'entendaient pas qu'on intervinssent dans leur mode de vie.
Cette attitude birmane signifie que, là où se célébrait un culte dédié aux ancêtres, avec sacrifice d'animaux, le culte s'est poursuivi. Cependant, il devait être circonscrit à une ou un groupe de communauté(s). En tout cas, je n'ai rien trouvé concernant Pu Saeh et Ya Saeh à cette époque à Chiang-Mai.
En 1664 le Lanna perdit son titre de province pour devenir une partie intégrante de la Birmanie. Comme le feront plus tard les Siamois, les charges aux mains de la noblesse tombèrent dans celles de fonctionnaires birmans ; et des princes birmans ont été installés à la tête des principales principautés. C'est, par exemple, à cette époque en 1701 que Chiang Saen fut retiré de la suzeraineté de Chiang-Mai pour être rattaché à celle de Krüng Angva et devenir comme une tête de pont militaire de la Birmanie.
Malgré cette nouvelle stratégie la résistance à l'occupation birmane ne s'atténua pas, surtout de la part des masses populaires, et la création de petites principautés autonomes se poursuivit.
En conclusion : Les birmans ne semblent pas avoir été répressifs au niveau des cultes en vigueur. Ils auraient même gouverné en tenant compte des coutumes locales, sans chercher à imposer les leurs. Ainsi par exemple, les bouddhistes ont pu continuer à couler des images de style Lanna et à construire leur Chédi selon leur tradition. (2) Cependant ils ont marqué de leur influence certains rites bouddhiques et on trouve souvent dans certains Viharns une statuaire birmane ainsi que des objets tel que le "sa-ta-phan" (สัตตภัณฑ์) ou chandelier à 7 branches, un ustensile ... hérité des birmans.
Bref !... lors de cette seconde période je n'ai rien trouvé concernant le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh à Chiang-Mai.
(2) Concernant les chédis de style birman qui existent à Chiang-Mai, aucun d'entre eux ne date de l'occupation birmane. Les chédis de style birman ainsi que les wats, y compris celui de Lampang ont été construits sous le règne de Rama V (1868-1910), certes par des birmans, mais par de riches birmans commerçants en bois, et non par les occupants birmans du XVIIe et XXVIIIe siècle.
Après 2 ou 3 kilomètres de marche la procession arrive sur les lieux du sacrifice.
Photo 1 : Les fidèles, dévots, adeptes, observateurs et que sais-je encore sont déjà là et attendent la célébration.
Photo 2 : La tête de la procession pénètre sur les lieux du rite sous une pluie de pétales de fleurs suivent ....
Photo 3 : ... les personnalités, les musiciens et ... le coffre contenant le Phra bot !....
Photo 4 : ... Le coffre est installé précisément sous la branche d'un arbre qui va permettre la montée du Phra Bot. Tout à côté du coffre, sous un abri à montures tubulaires recouvert d'une bâche et assis côte à côte il y a neuf moines.
L'annexion du Lanna :
En 1774, Phraya Chā Bàn (พระญาจ่าบ้าน) un prince de Chiang-Mai, et le fils du roi de Lampang, un certain Chao Khanan Kawila (เจ้าขนานกาวิละ), concluent une alliance avec le Siam pour combattre les birmans. L'union faisant la force les birmans sont boutés hors de Chiang-Mai.
Cependant le Lanna dit libéré, mettra trente ans pour chasser définitivement les birmans et, pour de multiples raisons va se retrouver très vite le vassal du Siam. De ce fait, ce sera Bangkok qui nommera les rois de Chiang-Mai et ces derniers devront verser un tribu à leur suzerain de Bangkok. (1)
Phra Chao Kawila va relever Chiang-Mai de ses ruines et devenir le fondateur de la dynastie des "Chao Chet ton" (เจ้าเจ็ดตน ou เชื้อเจ็ดตน). En 1796, soit 22 ans après sa libération, (2) la ville commence à retrouver vie. En 1782, le frère de son beau-frère, (3) Rama Ier, le roi de Bangkok et fondateur de la dynastie actuelle, celle des Chakri, lui attribue le titre de Phraya Vijiraprakan, c'est-à-dire ... gouverneur de Chiang-Mai (1782-1816).
Bref !... avec Phra Chao Kawila la ville se reconstruit, et les anciens cultes comme les pratiques traditionnelles retrouvent droit de cité. Car comme Phra Chao Tilokaraja, Phra Chao Kawila bien que fervent Bouddhiste est tout aussi superstitieux. Alors il va, lui aussi, doter la ville de défenses aux pouvoirs surnaturelles. Ces monuments ... "paranormaux" existent toujours. (4)
Le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh sera alors à nouveau célébré et soutenu par le roi de Chiang-Mai qui contribuera aux frais des cérémonies mais ... sans jamais y paraître en personne.
A Chiang-Mai, à l'exemple des rois khmers, lorsqu'un roi était couronné, la tradition voulait que le jour de son intronisation il accomplisse en grande procession, une circumambulation autour de la ville. Concernant Kawila, (5) cette procession partit du Wat Buppharam, (Temple aux pouvoirs magiques de Tilokaraja) rue Thaphae pour rejoindre le Wat Chiang Yün, (Temple aux pouvoirs magiques de Tilokaraja) non loin de la porte Chang Phuak, en passant par l'ouest. Les chroniques disent à ce propos qu'il y avait "... en tête du cortège les Lawas conduisant leurs chiens, (6) portant leur "chaek" et transportant leurs poulets ...." ?!.... Camille Notton écrit "...guidée par des Luas, leurs hottes au dos et traînant des chiens ..." Et lorsque la procession passa porte Chang Phuak, les Lawas étaient encore en tête de la procession ?!...
Lors du couronnement de Kham Fan (เจ้าหลวงคำฟั้น) (1821-1825) (7), le 3 ème roi de la dynastie Kawila, et 8 ème enfant de la fratrie Kawila, le même scénario se reproduisit à la différence que la procession partît du Wat Suan Dok, (8) (Temple aux pouvoirs magiques de Tilokaraja) au lieu du Wat Buppharam. Bref, la ... "délégation" des Lawas étaient encore en tête de la procession, et ont franchi parmi les premiers la porte Chang Phuak, à savoir la porte royale, l'entrée des rois dans la ville.
Bien des indices semblent indiquer que les Lawas, au royaume du Lanna, ont toujours joui d'un statut particulier ; et que le fait de préférer vivre dans des petits villages au pied des montagnes plutôt que s'intégrer dans les villes ne les tenaient pas pour autant à l'écart de la vie du royaume.
Car qui, mieux que les anciens maîtres d'une terre, peut prétendre connaître les esprits qui peuplent ces lieux mieux qu'eux ?!... eux ... les Lawas ?!...
(2) Chiang-Mai a vraiment été une ville morte de 1776 à 1796. Chao Kawila fit alors de Pasang sa capitale ... provisoire. La chronique de Chiang-Mai nous dit à ce sujet : "La ville à cette époque ne contenait que des buissons épais couverts de lianes et servait de refuge aux rhinocéros, aux éléphants, tigres et ours. Les habitants étaient peu nombreux et on vivait groupé ...." (Camille Notton traducteur de la chronique.)
(3) La sœur de Kawila, Chao Sri Anoxa (Princess Rojja de Lampang) épousa Chao Maha Sura Singhanat dit Bunma (เจ้ามหาสุรสิงหนาท) (1744-1803).
Cet époux était le frère de Phra Phutthayotfa Chulalok (พระพุทธยอดฟ้าจุฬาโลก) plus connu sous le nom de Rama Ier (1737-1782-1809).
Les épousailles se firent sous le règne du roi Taksin. C'est elle qui favorisa "grandement" l'accession au trône de Rama Ier, ne serait qu'en le faisant revenir du Cambodge tandis que Taksin était arrêté.
(4) Parmi les places sacrées il y a entre autres ... les deux lions du Kuang Singh, les deux éléphants phuaks près de la station de bus de Chang Phuak, les deux Kumphans du Wat Chédi Luang etc... etc ...
(5) Dans l'un de ses articles, Aroonrut Wichienkeeo écrit que le Roi Taksin donna à Kawila le titre de "Phraya Sulawaluchaï-Songkhram" (พระยาสุลวะลือไชยสงคราม). Un titre qui se traduit comme suit : "Seigneur (Phraya-พระยา), Bon (Su-สุ), Lawa (Lawa-ลัวะ), répandre/rumeur (Lu ou ru-ลือ), meilleur (Chaï-ไชย), guerre (Songkhram-สงคราม) et qui pourrait signifier : "Le seigneur et bon Lawa dont la rumeur qui se répand dit qu'il est le meilleur chef de guerre" (Signification non garantie mais qui doit être proche de la réalité.)
Ce titre suggère, mais ne le confirme pas, que Kawila pourrait être d'origine Lawa ?!...
(6) Les chiens, les poulets (poulettes et poules - pas de volaille masculine) sont par excellence les animaux destinés à être immolés dans de nombreux rituels Lawas.
Le "chaek" est une espèce de hotte, spécifique aux Lawas, qui se porte à dos d'homme comme le vendangeur porte sa hotte. (Revoir l'image plus haut.)
(7) Chao Luang Kham Fan assura le pouvoir dès le décès de son frère Thammalangka en 1821, mais ne reçu l'investiture royale qu'en 1823, après être passé à Bangkok.
(8) Le roi Kham Fan choisit le Wat Suan Dok comme point de départ de sa circumambulation parce qu'il fut moine dans ce Wat. A noter que le Wat Suan Dok s'appela un temps durant le Wat Buppharam et que 108 moines étaient de la procession (encore 108) ?!...
Cette tête est un détail de la statue en bronze qui a été installée lors d'une grande cérémonie le 3 Mars 2014 sur le devant du Vihāra Caturamukha abritant le Sao Muang de Chiang-Mai plus connu sous le nom d'Inthakhin.
Photo 2 : En rouge la circumambulation du roi Kawila le 26 mars 1797, et en mauve/violet la circumambulation du Chao Luang Setthi Kham Fan en avril 1823. Il n'a pas été roi très longtemps ...deux ans ... à peine !...
Photo 3 : Chao Luang Setthi Kham Fan (เจ้าคำฝั้น) (1756/57-1821-1825).
Phra Chao Kawilorot Suriyawong (พระเจ้ากาวิโรรส) (1800-1856-1870) (1) le 6è roi de la dynastie Kawila et fils de Kawila sera le dernier roi de Chiang-Mai à vraiment gouverner sa ville avec tous les pouvoirs y afférents. Car lors du règne de Chulalongkorn (1853-1868-1873-1910) (2) roi du Siam, plus connu sous le nom de Rama V, le Lanna va purement et simplement être annexé au Siam.
Il s'agissait alors de couper court à l'expansionnisme territorial des anglais et des Français et de mettre le Siam sur un pied d'égalité avec les pays occidentaux.
De ce fait une armada de fonctionnaires venant de Bangkok va se substituer aux familles nobiliaires qui régissaient alors la vie de Chiang-Mai et de ses environs. Très vite ces fonctionnaires recevront du tribunal de Chiang-Mai la charge de la gestion des différents cultes.
L'événement qui va ponctuer le plus clairement la suprématie de Bangkok sera la nomination d'un gouverneur ou Chao Muang (เจ้าเมือง) qui réduira la fonction du ... "Chao Luang" de Chiang-Mai, à celle d'un fonctionnaire de très haut rang recevant une rétribution mensuelle.
Alors le pouvoir du Chao Luang de Chiang-Mai, qui déjà n'était plus qu'une peau de chagrin, se réduisit à rien et d'autant plus que les fonctionnaires se chargèrent du coup de grâce, à savoir mettre fin aux liens des us et coutumes susceptibles de porter ce lambeau de "fonction royale" sur le devant de la scène.
Autrement écrit, les us et coutumes du Lanna ne seront pas interdits, mais ils ne seront plus associés avec le pouvoir royal de Chiang-Mai, y compris son spectre. Le peuple seul fera siennes des traditions du Lanna ; et ces dernières ne se maintiendront que pour autant que le peuple se chargera de les perpétuer. Certes, rien de ce qui précède n'était dit ouvertement, mais tout fut fait pour qu'il en fût ainsi.
Au début du XXè siècle, sous le règne de Phra Chao Inthawarorot Suriyawong (1897-1909) l'officiant du culte de Pu Saeh et de Ya Saeh, Tang Khao ou l'ajan Khao (อาจารย์ขาว) n'était autre qu'un proche de ce roi. L'ajan, un érudit maitrisant tout aussi bien le rituel que la langue Yuan ou Yuon (ล้านนายน), invoquait donc alors les esprits au nom de son souverain, et ... dans une langue honnie par Bangkok ?!....
Sous prétexte d'unité du royaume, la langue Siamoise devait impérativement remplacer la langue Yuon ?!.... (3)
Sous le règne de ce Chao Inthawarorot, un fonctionnaire en poste à Chiang-Mai, piqué de littérature, révèle tout à fait fortuitement, dans l'un de ses ... "poèmes empreints de nostalgique" ou "Klong-Nirat" (โคลงนิราศ) consacré à Chiang-Mai, un rite dont les protagonistes ne sont autres que le roi Inthawarorot et les Luas (Lawas).
Ce rite, qui devait probablement remonter à quelques siècles et dont les chroniques ne parlent pas, tout du moins celles qui ont été traduites, met en lumière l'offrande, un matin de janvier, d'une orchidée sauvage au souverain de Chiang-Mai par des ... Lawas ?!...
En France c'est un brin de muguet le 1er Mai qui est offert au Président de la république ?!.... (4)
Aux alentours de 1920, alors que Khum Luang ou Khum Chao Kaeo Nawarath (เจ้าแก้วนวรัฐ) (1862-1909-1939) (5) le 9è et dernier souverain de la dynastie, était en place, un nouvel ajan fut nommé : Nan Muang (6) (หนานเมือง).
Cette nomination se fit par l'intermédiaire d'un fonctionnaire du tribunal de Chiang-Mai, Phaya Sing (พญาสิงห์) qui remis à Nan Muang une copie des invocations à adresser aux différents esprits participant aux rites de Pu Saeh et de Ya Saeh. Cette brochure était écrite en langue du Lanna.
Quelques années plus tard, peut-être au décès de Nan Muang, un habitant de Ban Pa Chi, Saen Wiset, (แสนวิเศษ) pris la relève et exerça la fonction d'ajan jusqu'a sa mort, courant 1939.
La seconde guerre mondiale a du avoir comme conséquence la suspension de la célébration du rite. Car les japonais occupaient l'aéroport et ce dernier a souffert, et à plusieurs reprises, des bombes des alliés. Le Wat Suan Dok a servi de caserne et le village de Ban Tin Doï n'était pas bien loin ?!....
Après la retraite de Saen Wiset, sept célébrants de Mae Hia se sont succédés en tant qu'ajan. Le dernier, Nan K. occupait la charge en 1983, ensuite ?.... peut-être que ?!...
Naï Kraisri Nimmanahaeminda (นายไกรศรี นิมมานเหมินท์) (1912-1992) un universitaire passionné de la culture du Lanna, auteur de "The Lawa Guardian Spirits of Chiang Mai", ainsi que d'une étude sur "The Mrabri Language" et, entre autres, membre du conseil provincial de 1958 à 1961 serait aussi "ajan" (อาจารย์) ?... J'ai lu son nom : "อาจารย์ไกรศรี นิมมานเหมินท์" à deux reprises et dans deux documents de source différente.
Alors je me demande s'il n'a pas été, dans les années 1985 et pour un temps durant l'ajan de ce rite ?!... Ce n'est qu'une hypothèse !...
Toujours est-il qu'aujourd'hui, en 2016, ce culte est célébré par l'ajan Phonan Bounma Chinarach (พ่อหนาน บุญมา จีนาราช) ; un culte essentiellement organisé par le distric de Mae Hia et sans la moindre aide financière des édiles en places à la tête de Chiang-Mai.
(2) Au décès de son père Chulalongkorn n'a que 15 ans, alors une régence succède à Rama IV. Chulalongkorn ne sera intronisé qu'en 1873 à l'âge de ... 20 ans. Ses idées novatrices lui vaudront de déjouer un complot, fromenté par des conservateurs, un an à peine après son intronisation.
(3) Les langues dites régionales ne sont entrées dans le panthéon officiel qu'en Mai ou Juin 2016.
(4) Dans son œuvre intitulée "Klong nirat raya thang muang Chiang-Mai" (โคลงนิราศระยะทางเมืองนครเชียงใหม่) datant de 1883/84 "Phraya Raj Sam Parakorn" (พระยาราชสัมภารากร) alors haut-commissaire gouverneur à Chiang-Mai relate que tous les ans, un matin de janvier, les luas offraient une orchidée sauvage au roi Inthawarorot (1870-1897). Ce dernier devait la porter derrière son oreille pour qu'une longue vie lui soit assurée. Du gingembre lui était aussi offert.
Cette orchidée sauvage a été appelé par le botaniste anglais John Lindley (1799-1865) : "Dendrobium scabrilingue", à ce nom binominal a été rajouté l'abréviation botanique de Lindly, à savoir : Lindl.
Les indigènes du Lanna l'avaient nommée : "Uang Sae Luang" (เอื้องแซะหลวง) ce qui signifie au mot à mot : pour "Uang" : "Orchidée ou herbe à ruminée (เอื้อง) - pour "Sae" : une espèce d'orchidée (แซะ) et "Luang" a le sens de grand, sacré, royale (หลวง).
En ce temps là, cette orchidée n'était offerte qu'au roi et au Bouddha. Donc en 1883/84 les luas ou Lawas étaient toujours en cour ?!...
Le "Klong" est un poème mélancolique qui répond à certaines règles de versification et le "Nirat" se rapporte à un état d'esprit du à l'éloignement.
(5) Chao Kaeo Nawarat, était le fils du 7è roi de Chiang-Mai : Phra Chao Intha Wichayanon (อินทวิชยานนท์) (?-1870-1897) et de ce fait le demi-frère de la princesse Dara Rasmi (ดารารัศมี) (1873-1933) épouse de Rama V. Kaeo Nawarat, malgré la nomination de Nan Muang aurait - semble-t-il - continué à contribuer jusqu'à son décès, aux frais du rite "Pu Saeh - Ya Saeh".
(6) Nan Muang avait alors des responsabilités au sein du village de Ban Tam Nak (บ้านตำหนัก)
Photo 2 : L'ajan Phonan Bounma Chinarach en plein exercice et juste avant de lire les invocations qui vont permettre au médium d'entrer en transes. Les offrandes sont déjà dans chacun des "hos".
Photo 3 : Le livre en langue Lanna, ou "Nagn-su-boran-pra-phé-ni-liang-dong" (*) contenant les différentes invocations à adresser aux esprits.
(*) L'ancien livre concernant la tradition du Liang Dong (หนังสือโบราณประเพณีเลี้ยงดง) Le livre (หนังสือ) - ancien (โบราณ) - tradition (ประเพณี) - Liang Dong (เลี้ยงดง).
(Photos du samedi 16 juin 2016)
Actuellement ... de nos jours :
Comme nous venons de le voir, le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh spécifique à la ville de Chiang-Mai, a été interrompu à plusieurs reprises au cours des siècles. Mais ces interruptions ne l'ont pas empêché, entre autres à Chiang-Mai, de se perpétuer jusqu'à nos jours. (1) Ainsi durant les années 1960 il était toujours célébré tant au bas du Doï Suthep à Ban Tin Doï, qu'au pied du Doï Kham à Ban Pa Chi.
Mais, paraît-il, lors de ces années à Ban Tin Doï la ferveur populaire n'était plus ce qu'elle était, alors presque naturellement et fatalement, la construction de l'université, et plus particulièrement l'édification des locaux destinés aux étudiants en architecture, a mis un terme à la célébration du Culte en cet endroit.
Par contre à Ban Pa Chi, et en collaboration avec quatre villages du district de Mae Hia, (2) le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh s'est poursuivi ; et tout a été mis en œuvre pour qu'il retrouve son lustre d'antan, voire plus, comme nous le verrons à la fin de cette chronique.
En 2016, suite à la création de nouveaux villages dans le district, ce sont maintenant dix villages (3) qui coopèrent pour "maintenir" le culte de Pu Saeh et de Ya Saeh, mais de le maintenir beaucoup plus en tant que tradition que comme étant une nécessité pour le mieux vivre de la population, encore que ?!..... (4)
A partir de ces dix villages, un comité de 35 personnes a été constitué dont les rôles se répartissent comme suit :
18 membres du conseil (สท. สมาชิกเทศบาล)
10 Chefs des villages (กำนัน ou ผู้ใหญ่บ้าน)
7 maires de villages (นายยก) et fonctionnaires (ข้าราชการ)
Après que ce conseil se soit réuni, qu'il ait décidé de la date et des modalités concernant le culte, il charge le lam (ล่าม) (5) des différentes opérations dont, la diffusion de la date, l'achat du buffle d'eau ... etcetera ... etcetera !...
(2) les cinq premiers villages étaient : 1/ Ban Tam Nak (บ้านตำหนัก) - 2/ Ban Ubosot (บ้านอุโบสถ) - 3/ Ban Pa Chi (บ้านป่าจี้) - 4/ Ban Tha Kham (บ้านท่าข้าม) - 5/ Ban Don Pin (บ้านดอนปิน ).
(3) Les cinq nouveaux villages sont : 1/ Ban Mai Samakee (บ้านใหม่สามัคคี) - 2/ Ban Tamnak Mai (บ้านตำหนักใหม่) - 3/ Ban Arun Niwet (บ้านอรุณนิเวศน์) - 4/ Ban Thai Samut (บ้านไทยสมุทร) - 5/ Ban Papao (บ้านป่าเป้า).
(4) Autrefois - la nature était loin d'être maîtrisée. Les habitants étaient tributaires de la sécheresse et de nombreux autres fléaux aussi dévastateurs. De ce fait l'objet principal du rite "Pu Saeh-Ya Saeh" était de se concilier ces esprits pour obtenir de leur part, les meilleures conditions climatiques afin que les récoltes soient bonnes et abondantes. C'est pourquoi le rite était célébré juste avant la plantation du riz, c'est-à-dire à la saison des pluies.
Car comme disent les incantations :
"Il ne faut pas que le riz des Lawas se meurt (faute d'eau) dans leurs brûlis".
"ลัวะเยียะไร่บ่หื้อตายคา" une incantation que les Thaïs ont repris sous la forme qui suit : "ไทยเยียะนาบ่หื้อตายเหี่ยวแห้ง" "Il ne faut pas que le riz des Thaïs dépérisse (faute d'eau) dans leurs rizières" (Ces phrases sont extraites du livre des incantations à adresser à Pu Saeh et à Ya Saeh.)
Aujourd'hui - des barrages, des canaux et une infrastructure adéquate, sans oublier la mécanisation, participent à une bonne irrigation et permettent un meilleur suivi de l'évolution des récoltes. Par ailleurs la population paysanne se réduit à la vitesse "grand V" ce qui signifie que de moins en moins de gens se trouvent concernés par les conditions climatiques et les récoltes du riz.
Conclusion : La célébration du rite participe beaucoup plus du folklore que d'une nécessité vitale. Encore que ... l'existence des "Phis" est encore très vivace dans l'esprit de la plupart des gens du Lanna alors ... dès fois que .... il vaut mieux sacrifier ... sait-on jamais ?!...
nota : "On" rapporte que dans les années 70, malgré le sacrifice d'un buffle la pluie se faisait attendre alors ... un porc a été sacrifié à Pu Saeh et Ya Saeh.
Le "On" ou rapporteur ne dit pas si la pluie s'est enfin décidée à tomber ?!....
(5) Dans les villages Lawas le chef religieux porte le nom de "samang". Il est tout à la fois le représentant de la famille royale qui descend d'un roi légendaire et le gardien de la culture Lawa. Ce "samang" est assisté par un "lam" (ล่าม) dont la fonction est héréditaire. C'est ce dernier qui annonce aux villageois le jour du sacrifice et qui collecte l'argent pour l'achat de l'animal à sacrifier.
Les Lawas ne sont jamais bien loin !... même aujourd'hui.
Tandis que le Phra Bot va être déroulé et s'élever dans les airs, à l'intérieur du pavillon du médium, l'ajan Phonan Bounma Chinarach poursuit la lecture de ses incantations pour que le médium, Monsieur Terdsak Moonkio (เทอดศักดิ์ มูลเกียว) originaire de Sanpatong entre en transes.
Photo 1 : L'ajan Phonan Bounma Chinarach toujours en plein exercice, mais ici face au médium Monsieur Terdsak Moonkio pour l'aider à entrer en transes.
Photo 2 : Le médium, en transes, s'est écroulé en tombant sur le dos. J'ai vu une chute ... comment dire ... "contrôlée". Je pense que lorsqu'on est en transes on tombe lourdement, et d'un coup mais je n'ai jamais été en transes alors ?!....
Photo 3 : Au dehors du pavillon, mais tout à côté, le buffle sur la dalle en béton, la tête tournée vers l'Est, a tous les regards tournés vers lui. Suspendus à la barre de bambou il y a deux bons morceaux de la chair du buffle (Celui de droite est pour le médium et celui de gauche pour les esprits) et un bambou contenant le whiskies de la région le Lao Khao (เหล้าขาว).
Les quatre récipients contiennent : (de gauche à droite) 1/ (pot marron) : soupe de visère - kègn-om ( แกงอ่อม) ou tom-Khwai (ต้มควาย) - 2/ (Le contenant recouvert d'une feuille de bananier) : est un ... pot de sang - Mo-luat (หม้อเลือด) 3/ (La cuvette) : Salade de viande hachée - (en principe) - pimentée - sa (ซ่า) ou lap (ลาบ) 4/ (Le faitout noir) : de la viande saignante - Lou (หลู้).
Le nombre de récipients est variable.
L'avant sacrifice :
L'achat du buffle d'eau :
Autrefois, comme écrit plus haut, il y avait deux sacrifices, donc l'achat de deux buffles en fait un buffle et une bufflonne. Le Buffle était sacrifié à Ya Saeh et la bufflonne à Pu Saeh.
Aujourd'hui le sexe de l'animal est indifférent. Cependant il faut :
- Que ses cornes ne dépassent pas la longueur de ses oreilles.
- Que le bas de ses pattes soit de couleur miel. (1)
- Qu'il n'ait jamais travaillé.
- Qu'il n'ait jamais forniqué.
Autrefois - le buffle était acheté sur un marché, en 1991 par exemple, ce fut celui de "Thung Fa bot" (ทุ่งฟ้าบด) un quartier de Sanpatong. Puis avec la mécanisation du monde agricole, le travail des machines a remplacé celui des buffles et des bovins. De ce fait les marchés de buffles se sont fermés les uns après les autres, jusqu'à, pratiquement, leur complète disparition. (2)
Aujourd'hui - quelques particuliers élèvent des buffles. Ces derniers sont une source de revenus non négligeable qui permet, par exemple, à une famille, de payer les études d'un enfant.
Le Buffle a donc été acheté à un particulier de Ban Pachi (บ้านป่าจี้) pour un montant de trente mille bahts auquel il a fallu ajouter deux mille sept bahts de nourriture, (3) ... et ... de la très bonne. (C'était la moindre des choses non ?!...)
La mise à mort du buffle :
La mise à mort est le fait de villageois, des Chao-ban (ชาวบ้าน) dont deux d'entre eux sont les tueurs ou "nak-Kha" (นักฆ่า). Ils seront tous payés d'un morceau de la chair du buffle.
Le jour du sacrifice le buffle est conduit sur les lieux de son trépas et attaché à un arbre (une substitution du Sagang ?...) qui se trouve être le plus au Nord/Est de l'aire du rite. (Direction de bon augure). Puis au levé du jour, c'est-à-dire vers les 5 heures, au moyen d'un couteau il a la gorge tranchée, sans doute au niveau de la carotide. Son sang est récupéré et son corps dépecé en faisant en sorte que sa peau reste solidaire de la tête et des pattes. Cette peau sera vendue et l'argent mis dans un pot commun pour le prochain achat de buffle.
L'opération terminée, la peau, la tête et les pattes sont placées sur une dalle de béton, jadis recouverte de feuilles de bananier juxtaposées les unes aux autres (Baï-togn-tugn) (ใบตองตึง) et aujourd'hui d'une bâche plastifiée à raies blanches et bleues, où le médium va, dans les heures suivantes ... "opérer" à la vue de tous. La tête du buffle fait face à l'Est.
Il y a quelques années encore, les paysans s'empressaient de savoir qu'elle était la position de la tête du buffle après qu'il se soit écroulé au sol. Car cette position présageait du temps à venir.
Ainsi, si la tête était tournée :
- vers l'Ouest c'était un signe de pluies suffisantes.
- vers l'Est c'était un pronostic de pluie très abondantes.
- vers le sud c'était la prédiction de sécheresse. (Cette position est possible lorsque le buffle s'écroule dans de grands soubresauts.)
(2) Le marché de "Thung Fa bot" (ทุ่งฟ้าบด ) de Sanpatong existe toujours. Il est aussi connu sous les noms de : "Talat Nat Thung Fa Bot" (ตลาดนัดทุ่งฟ้าบด ) - Kad Woua (กาดงัว) et Talat Woua (ตลาดวัว ). Il se tient le Samedi matin de 7.00 à 10.00 heures. Pour le visiter n'arrivez pas à 11.00. Il arrive que les Thaïs soient à l'heure et c'est le cas pour ce marché.
(3) En 1991 le buffle avait été acheté 3.050 bahts soit en 25 ans une augmentation de 974 % - pratiquement 39 % par an ?!... Excusez du peu.
Actuellement, l'élevage d'un buffle est une source de revenu non négligeable qui ... "met du beurre dans les épinards" dans un budget familial, d'autant que !... Le buffle d'eau se reproduit naturellement c'est-à-dire sans avoir recourt à l'insémination artificielle contrairement à certaines races bovines, il se nourrit lui-même de peu, et peut être loué environ 300/400 bahts à la journée à un cultivateur pour désherber un champs avant la plantation du riz ... etcetera ... etcetera !... .
La bannière est élevée dans les airs, elle est juste au-dessus de son coffre. Les personnalités se sont assises au premier rang avec au milieu d'eux Phra Kruba Pin le supérieur du Wat Doï Kham. Avec son arrivée la récitation de prières en en pāli commence. Elle ne cessera que lorsque le médium aura terminé son exhibition.
Photo 1 : La bannière de Phra Bot est montée dans les airs et va se balancer doucement au gré des fantaisies du vent pendant que le médium va dialoguer avec les esprits. J'ai vu, à l'occasion de vidéos anciennes, un médium "danser" sous la bannière. Il n'y a rien eu de tel cette année.
Photo 2 : Le supérieur du Wat Doï Kham, Phra Kruba Pin, prend le micro pour dire quelques mots qui ensuite, seront suivis par la récitation de prières en pāli dites par les 9 moines présents. Il y a un moine par village, mais tous les villages n'ont pas de Wat, ce qui explique qu'il y en a un de moins. Ils ont été successivement 5, puis 7.
Photo 3 : Une Vue Générale de la cérémonie destinée à tempérer le moindre débordement des esprits rétifs. La photo est prise depuis le Sud. (Elle n'est pas de mon fait mais de celui d'un internaute.)
(Toutes ces photos ont été prises le Samedi 16 Juin 2016)
Description du lieu du sacrifice :
Le lieu de célébration du culte se situe au sein d'une grande clairière qui porte le nom de "Liang Dong", la clairière Liang Dong. Cette dernière, non loin de la route qui conduit au Wat Doï Kham, est en bordure de forêt, et traversée par une route carrossable. (Ne comptez pas vous stationner sur les bas-côtés lors du rite). Il y a là quelques baraquements de l'unité provinciale chargée de surveiller le parc (หน่วยพิทักษ์อุทยาน ท.ท.บ.). (1) Au nord/Est de cette clairière et sur seulement quelques mètres serpente un ruisseau : le huai Haeng (ห้วยแห้ง) appelé jadis la Mae Nam Kham (แม่น้ำคำ) c'est ce ruisseau qui aurait charié les pépites d'or de la chronique. (Information non garantie)
En temps normal cette clairière est laissée à l'abandon. Il ne subsiste que le pavillon du médium ou "Ho-Phi-Thi-Song-Pu Saeh Ya Saeh" (หอพิธีทรงปู่แสะย่าแสะ), "l'autel du culte" c'est-à-dire une dalle de béton, et les 12 ho dong (ดงหอ) des esprits.
Lorsque le jour de la célébration du sacrifice approche, les lieux sont remis en état. La clairière est fauchée, le pavillon du médium décoré et aménagé, puis un vaste espace est enceint d'une palissade en bambou pour protéger du public, l'autel et les 12 "ho dong" qui, eux aussi, vont retrouver une nouvelle jeunesse.
Photo 2 : Trois mois plus tard ... le pavillon du médium est comme abandonné. (Photo du 03.09.2016).
Photo 3 : La dalle de béton où le buffle est exposé photographiée la veille de la cérémonie soit le vendredi 15 juin 2016.
Photo 4 : Tois mois plus tard ... La dalle de béton est envahie par les herbes. (Photo du 03.09.2016).
Le pavillon du médium ou pavillon pour la cérémonie des deux esprits Pu Saeh & Ya Saeh - "Ho-Phi-Thi-Song-Pu Saeh Ya Saeh" (หอพิธีทรงปู่แสะย่าแสะ).
Il s'agit d'un pavillon ouvert à tous vents sur ses quatre côtés, accessible au moyen de cinq marches situées sur sa face nord.
L'intérieur n'offre aucune particularité hormis une étagère qui court sur la face Ouest et une partie de la face Sud. Cette étagère fait penser à un râtelier en forme d'équerre.
Les dimensions de ce pavillon avoisinent les 7 ou 8 mètres de long pour les faces Nord et Sud, et les 4 ou 5 mètres de large pour les faces Est et Ouest. Sa hauteur est d'environ 3 mètres.
C'est à l'intérieur de cet édifice que le médium (Khon-song - คนทรง) (Homme-transe) (1), avec l'aide de l'ajan officiant du rite (Ajan-Phou-Tham-Phi-Thi-Kam) (อาจารย์ผู้ทำพิธีกรรม) entrera en transes. La transe est obtenue par le biais de la lecture de textes sacrés lus par l'ajan et peut-être d'autres artifices ?!.... Ce dernier est un ancien moine, un Pho-Nan (Prononcer Pho-Nane) (พ่อหนาน). L'ajan en charge de l'office ce jour-là était Phonan Bounma Chinarach (พ่อหนาน บุญมา จีนาราช).
Ces montures célestes, dont des éléphants, auraient aussi des offrandes. En 2016 je n'en ai pas vu pour la bonne raison qu'il n'y en a pas eu.
L'aire du sacrifice se présente sous le forme d'une dalle de béton rectangulaire d'environ trois mètres sur deux mètres cinquante. Sa hauteur doit varier entre vingt et trente centimètres.
Comme le pavillon du médium, la dalle est orientée dans le sens de la longueur Est/Ouest. Le pavillon et la dalle sont donc parallèles entre eux.
Le médium entre ... "en scène" ... sous des regards remplis d'appréhension.
Photo 1 : Le médium en état de transes entre sur les lieux de célébration du sacrifice. Il est soutenu et aidé dans sa marche par les personnalités dont il a déjà été question. Pendant tout ce temps les moines récitent leurs prières.
Photo 2 : Tandis que le médium entrait en transes, un autre médium, féminin celui-là, dont la fonction porte le nom de "Khao Song Thammada" (เข้าทรงธรรมคา) ce qui signifie "communiquer avec l'esprit" gesticulait en marmonant entre le pavillon du médium et l'aire du sacrifice.
Pour la petite histoire et rester honnête : Alors que je prenais des photos et que mon attention était occupée, il y avait comme une espèce de sensation bizarre derrière mon dos. Je me suis retrouné, et c'est ainsi que je me suis retrouvé nez à nez avec cette femme ?!... Elle dégageait je ne sais quoi d'indéfinissablee. A noter que je ne l'avais pas vu arriver ?!...
Photos 3 : Le médium communique avec les esprits et accompli son rituel.
Les "ho Dong" (หอดง)
Ce sont des constructions légères en bambou, d'environ 80 à 100 centimètres de haut, à base plus ou moins carré d'où s'élève à chaque angle un bambou fiché dans le sol.
Au sommet de ces quatre tiges de bambou repose un lit de feuilles recouvert d'une toiture en "V" retourné. Elle est, elle aussi, fabriquée au moyen de larges feuilles sèches, sans doute des feuilles de teck.
Ce sera dans l'espace créé sous la toiture que seront déposées les différentes offrandes.
Ces "ho dong" sont au nombre de 12. Comme il sera rajouté un "Sa-Touang-Tao-tagn-Si" (สะตวงท้าวทั้งสี่ต้าวตังสี่) pour honorer les quatre gardiens de l'univers, ainsi que les déités du Zénith et du nadir les esprits célébrés seront au nombre de 12 + 6 = 18 (Le chiffre sacré.)
Les esprits invités et honorés à la cérémonie de ce jour-là, étaient :
01/- Araksa (อารักษ์) (1) (Un protecteur de villages)
02/- Chao Thorani (ธรณีเจ้าตี้) dixit. (La déesse de la terre.)
03/- Kumphan (กุมภัณฑ์) (L'un des deux gardiens du Sao Inthakhin)
04/- Kumphan (กุมภัณฑ์) (L'un des deux gardiens du Sao Inthakhin)
05/- Khun Luang Vilangkha (ขุนหลวงวิลังคะ) (Ancien et grand roi Lawa)
06/- Pu Saeh (ปู่แสะ) (L'un des protecteurs de la région.)
07/- Ya Saeh (ย่าแสะ) (L'une des protectrices de la région.)
08/- Pu Sen Tong (ปู่แสนตอง) มาทีหลัง
09/- Pu Cham (ปู่จ๋าม) มาทีหลัง 9ปี
10/- Ya Cham (ย่าจ๋าม) มาทีหลัง
11-12/- le rishis Vāsudeva (ฤาษีสุเทวา) ou Suthewa-Rishis (สุเทวะฤาษี).
Les déités gardant l'univers sont les suivantes :
13/ Indra(พระ อินทร์) - Le dieu Indra règnant au zénith.
14/ Dhratarashtra (ท้าว ธตรฐ) roi des Gandharvas et gardien de l'Est.
15/ Virupaksha (ท้าว วิรุปักษ์) - roi des Nagas et gardien de l'Ouest.
16/ Vairawana (ท้าว เวสสุวณ ou กุเวร) - roi des Yakshas et gardien du Nord.
17/ Virudha (ท้าว วิรุฬหก) roi des Kumbhandas et gardien du Sud.
18/ Mae Chao Thorani (แมเจ้าธรณี) déesse de la terre c'est-à-dire règnant au nadir..
Nous avons bien nos 18 esprits dont deux ont droit à deux représentations (Vāsudeva et Mae Thorani ).
On trouve le nom de "Phi Araksa" jusque dans le sipsongpanna une région du Yunnan, en Chine du sud. Ainsi par exemple, au "Wat Phrathat Chom Tong" (วัดพระธาตุจอมตอง) de Chiang Rung (เชียงรุ่ง) aujourd'hui Jinghong, (*) il apparaît en tant que protecteur dans un mythe qui raconte comment Bouddha a converti un géant mangeur d'hommes du nom d'Arawakasoda (อาระวะกะโสดา). Un remake - sans doute - de "Pue Saeh Ya Saeh" à la mode "Sipsongpanna". Ce qui signifie que l'influence Lawa couvrait des zones bien au-delà du Lanna.
(*) La ville de Chiang Rung (เชียงรุ่ง) aujourd'hui "Jinghong" à vu naître la mère de Mengraï : Nang Ua Ming Chom Müang ou Nang Ouaming Chom Muang, ou encore Ava Ming Jom Müang. Elle était la fille d'un prince d'ethnie Thaï-Lu : Thao Rung Kën Xaï alors roi de Muang Chiang Rung ou Wiang Rung aujourd'hui ... Jinghong. (Sinisation oblige.)
Concernant Chiang-Mai et le Phi Araksa :
Il y a à Chiang-mai une rue araksa (ถนนอารักษา) qui longe la rive intérieur de la douve Ouest. Cette rue va de l'angle Sud/Ouest (แจ่งกู่เฮือง) à l'angle Nord/Ouest (แจ่งหัวริน). Phi Araksa veille donc sur tout l'Ouest de Chiang-Mai car ... c'est de l'Ouest que sont censés surgir et venir tous les mauvais esprits de la terre et de l'univers. Chiang-Mai est donc bien protégée ... et ... par un esprit ... Lawa ?!...
A chacun des deux angles Nord, l'angle Nord/Ouest et l'angle Nord/Est, s'élève un ho ou pavillon pour abriter cet esprit. Le ho du Nord/Ouest est très modeste, comme son arbre, mais celui du Nord/Est est ... royal et se situe entre trois grands arbres, superbes et majestueux. (*) Le Nord/Est, comme je l'ai déjà indiqué est une direction de très bon augure.
Quant à la route intérieure qui longe la rive Nord de la douve, elle porte le nom de "thanon Sri Phoum" (ถนนศรีภูมิ). C'est-à-dire, en évitant les ... "expolitions" dont sont friands les Thaïs : "La glorieuse et divine terre de la prospérité".
Les deux autres angles n'ont pas de pavillon ou de "Ho".
(*) Les inscriptions que portent les deux pavillons ne précisent pas le nom de l'esprit pour lequel ils ont été construits. Elles indiquent seulement le nom des associations qui ont réuni les fonds pour leur construction.
Cependant sur le pavillon Nord/Ouest il est écrit : "Sala Chao Pho Kham Deng (ศาลเจ้าพ่อคำแดง) c'est-à-dire le pavillon de repos de "Chao Suvanna Kham Deng Rajaputa" un esprit qui est l'une des nombreuses renaissances d'un certain "Uttaracunda" qui dans les temps jadis fort lointains, puisque le Bouddhisme y était inconnu, était l'un des chefs d'une comunauté s'ébrouant dans un ... Nord sans limite ?!... "Pho Kham Deng" serait-il une "Yuönisation" du mot Lawa ... ''araksa" ?!.... C'est en tout cas une contraction de "Chao Suvanna Kham Deng Rajaputa" un esprit Lawa, une fois de plus ou une fois encore ?!....
Photo 2 : Une carte présentant la position des deux angles de bon augure au sein de Chiang-Mai.
Photo 3 : L'angle Nord-Est de Chiang-Mai ou "Chaeng Sri Phum" (แจ่งศรีภูมิ)
Le Phra Bot (พระบฏ)
Le mot "Phrabot" était à l'origine un nom commun. Avec le rituel consacré à Pu Saeh et Ya Saeh, ce nom commun est devenu à Chiang-Mai et ses environs proches, un nom propre. En dehors de Chiang-Mai il est donc toujours un nom commun.
Composé de deux mots : "Phra et bot", le premier, Phra (พระ) se traduit par Bouddha/saint/sacré, et le second Bot (บฏ), d'origine pali, sert à désigner une toile ou un tissus.
Un "Phrabot" est donc à l'origine une toile recouverte de peintures sacrées, dont bouddha peut très bien ne pas y figurer.
A Chiang-Mai ce "Phra Bot" désigne une bannière de deux mètres cinquante de large sur quatre mètres de haut qui se roule sur elle-même et se range dans un coffre. Les deux extrémités de la toile, le haut et le bas, sont renforcées et protégées au moyen d'un rouleau en bois semblable à un très long (3 mètres) rouleau à pâtisserie.
L'analyse de l'image de la bannière :
Les illustrations du haut de la bannière :
Il s'agit de deux esprits, des Phi Doï ou Phi Fa (ผีดอย - ผีฟ้า) des esprits du ciel Lawas devenus des déités bouddhistes. Ces déités sont là pour glorifier Bouddha. Celle de gauche joue de la conque (Hoï-sang-หอยสังข์) tenue de la main gauche, comme doit être tenu cet instrument, et la déité de droite porte de ses deux mains un parasol blanc - (Séwat-Chattra-เศวตฉัตร) (blanc-เศวัต et parasol- ฉัตร).
La conque blanche ou Sang est un coquillage utilisé comme instrument de musique dont elle serait, entre tous le plus sacré. A l'origine, du temps du Védisme, son "son strident" annonçait les victoires.
Cette tradition a été reprise par les bouddhistes. Alors le "son" de la conque, et non la coque comme je l'ai souvent lu, symbolise le dharma qui se répand avec autorité de par le monde en affirmant la gloire de Bouddha et en terrifiant les esprits malveillants, comme les "Maras" (démons).
Le parasol blanc ou chattra est par excellence l'attribut de la royauté suprême.
Par exemple : En Asie du Sud/Est, lorsqu'un roi devenait le suzerain d'un autre, suite à une victoire ou à une allégeance de ... "plein gré" (peut-être un peu forcée) le vassal remettait son parasol blanc à 9 étages à son suzerain en signe de soumission, et n'avait plus droit qu'à un parasol à ... sept étages.
L'image centrale :
La représentation du Bouddha "Phra Bot" n'est pas sans rappeler celle du Bouddha "Phra Attharot" (พระเจ็าอัฎฐารส ou พระเจ้าหัตถ์) du Wat Chédi Luang, comme déjà dit, et vu, plus haut.
Dans les deux cas, Bouddha est avec deux de ses disciples, Maha Sāriputra (มหาสารีบุตร) et Maha Moggallāna (มหาโมคคัลลานะ). Mais tandis qu'il est, en bouddha "Phra Attharot" dans une attitude ... dynamique (1) en tant que "Phra Bot", il affiche une attitude plutôt passive (2) car il sait, le Phra Bot, que rien ne se passera et qu'au pire ses deux disciples le seconderont sans qu'il ait à intervenir en cas de besoin.
Dans un cas Bouddha est là pour protéger et dans l'autre il est là ... en terrain "conquis au Bouddhisme"
La contraction "Buddharasa" est extraite du Ratana-paritta-pali. Ces parittas, comme le nom l'indique, sont des formules de protection et de sauvegarde pour conjurer le mauvais sort. Elles auraient été composées par Bouddha lui-même. (Certaines seraient néanmoins ... apocryphes. Qui aurait pu penser le contraire ?... mais il est quand même bon de le préciser).
Bouddha et les parittas :
Bouddha après son éveil aurait acquis des facultés extra sensorielles qui lui auraient donné des pouvoirs illimités. Ce serait avec 18 de ces formules qu'il aurait à plusieurs reprises vaincu et fait fuir des fléaux tels que la peste, la famine, et en général ... les démons (Māra).
Au XIIIe siècle, la superstition aidant, Sukhothai se dota de trois "Buddharasa" pour se protéger de ses ennemis, et 170 ans plus tard Tilokaraja en fit autant avec le Phra Attharot du Chédi Luang. Ce dernier participait à tout un système de défense à base de magie dont j'ai déjà parlé dans la chronique du Wat Chédi Luang.
C'est donc un Bouddha qui est là pour protéger Chiang-Mai de tous les dangers et en plus, dans le cas du Lanna, ce Phra Attharot est seconder par deux de ses disciples dotés eux-aussi de pouvoirs surnaturels ?!... Ces saints personnages sont donc, eux aussi, sur le "qui-vive".
La foi ou la superstition perdure puisqu'en 1829, Rama III (1788-1851) fera aller chercher un "Buddharasa" en bronze datant du XIIIe siècle à Phitsanulok, qui autrefois dépendait de ... Sukhothai, pour le faire installer au Wat Saket, afin de protéger Bangkok. Il y est toujours sous le nom de "Phra Attharot Sisukhot Thosaphon Yanabophit". .
(2) La peinture du Phra bot reprend donc "l'agencement" du Phra Attharot et de ses deux disciples du Wat Chédi Luang.
Mais dans le cas du Phra Bot, Bouddha est dans la 39ème attitude, c'est-à-dire celle d'un Bouddha bienveillant (mettā) et compatissant. (karuṇā). Ce n'est plus un Bouddha sur le "qui-vive" mais un Bouddha calme et serein certain que tout se passera bien du seul fait de sa présence.
Les illustrations du bas de la bannière :
Il s'agit d'une suite de quatre allégories : (De gauche à droite)
La première allégorie me fait penser aux différents cataclysmes subis par les ancêtres des Lawas. Mais rien n'est moins sûr, alors je m'abstiendrai d'en dire plus. Cependant une date a attiré mon attention. C'est celle de : พ.ศ ๒๔๖๙ (2469) qui correspond à notre année grégorienne de 1926.
Quel événement a-t-il pu bien se passer en 1926 à Chiang-Mai ?.... Le plus important, me semble-t-il, a été la visite du roi Rama VII qui, le 24 Janvier 1926 s'est rendu en voiture au Doï Suthep (*) et a reçu en offrande de la part de ... Lawas ... une orchidée sauvage, la ... "Uang Sae Luang" (เอื้องแซะหลวง) qui n'était offerte jadis qu'au roi et au Bouddha un matin de janvier et dont il a été question plus haut, au sujet du roi Phra Chao Inthawarorot Suriyawong (1897-1909).
La deuxième allégorie représente deux chevreuils albinos, la mère et son petit. Alors que Mengraï était à la recherche d'un site pour y construire Chiang-Mai il tomba nez à nez avec eux. Ces animaux l'enchantèrent, et d'autant plus que les chiens de sa meute prenaient la fuite dès que ces chevreuils les chargeaient.
Ce fut, pour Mengraï, un signe de bon augure, le premier des sept qui le décideront à construire Chiang-Mai là où elle s'élève aujourd'hui.
Alors pour en savoir un peu plus sur "ces lieux" il fit appeler les chefs des villages voisins qui lui répondirent "Ces lieux, comme nous l'avons su de bouche en bouche a servi de demeure aux souverains d'autrefois ..." c'est-à-dire ... des rois Lawas obligatoirement.
La troisième allégorie nous montre deux éléphants.
Là, je donne ma langue au chat ?!...
La quatrième allégorie représente un porc noir que les Lawas élèvent et qu'ils sacrifient à défaut d'un Buffle.
Cet animal n'est pas vraiment un sanglier tel que nous le connaissons en Europe car il n'a pas de défense. Mais les thaïs le nomme "mou-pa" (หมูป่า) c'est-à-dire porc de la forêt, mais un porc de la forêt domestiqué semble-t-il ?!...
La saga du Phra Bot :
Autrefois le coffre du "Phrabot" était entreposé au Wat Phrasing, dans le viharn Laï Kham très exactement. Puis en 1924, ce Wat a été l'objet de grands travaux réalisés sous l'autorité d'un moine charismatique Phra Kruba Srivichaï (พระครูบศรีวิชัย) (1878-1938), dont il a été question quelques lignes plus haut.
Dans un souci de protection, par rapport aux travaux, le coffre et son contenu ont été entreposés dans le Viharn du Wat Kao Tue (วัดเกาตื้อ) qui aujourd'hui est devenu partie intégrante du Wat Suan Dok (วัดสวน ดอก), et plus particulièrement son ubosot.
Durant la deuxième guerre mondiale, les japonais ont fait leur de l'aéroport, et leurs troupes, dont le 64è Hayabusa Sentaï (régiment aérien) ont élu domicile dans les locaux des deux Wats (Kaoe Tue et Suan Dok).
Du fait de cette occupation, l'aéroport à été bombardé à plusieurs reprises, dont la première fois le 8 décembre 1941 par les tigres volants (Flying Tiger) et à plus grande échelle en décembre 1943.
A la fin des hostilités les japonais ont regagné le Japon, et le coffre du Phrabot a été retrouvé .... vide. "On" dit que le Phrabot aurait brûlé ?! ... Oui, mais alors pourquoi le coffre n'a-t-il pas subit le même sort ?!.... Un Japonais ne l'aurait-il pas plutôt emporté en souvenir ?!... Bref à la sortie de la guerre le Phrabot n'était plus !....
Alors deux généreuses donatrices de Ban Pachi ont fait refaire une nouvelle bannière du Phra Bot conformément à l'ancienne qui maintenant repose à l'intérieur de l'ubosot du Wat Pachi.
Photo 2 : L'ubosot du Wat Pachi où est remisé le coffre et son Phra Bot.
Photo 3 : Le Viharn du Wat Pachi dont le nom signifie : monastère de la forêt des ascètes. (Photos (2&3) du 10.09.2016)
Un vrai style Lanna d'époque et non de style.
Le plateau d'Offrandes :
That-Khogn-Kho-Sane (ถาดของข้อเสนอ) -
Plateau (ถาด) de choses (ของ) proposées (ข้อเสนอ).
La préparation de ces offrandes porte le nom de : "Da-khroua" (ดาครัว) c'est-à-dire : "préparer-cuisine" (ดาครัว) (C'est un mot Lanna) .
Les plateaux sont de même nature. Leur contenu se compose d'un petit tube de bambou rempli d'un alcool de riz, de bâtons d'encens, de tout petits cierges, de cigares de feuilles de bétel, de petits gâteaux de riz, de bananes de noix d'arec de riz gluant (Khao Nio-ข้าวเหนียว) de "miang" (เมี่ยง) ou "Khao-Tom-mat" (ข้าวต้มมัด) c'est-à-dire du riz bouilli auquel ont été mêlés quelques morceaux de viande, le tout enveloppé d'un moceau de feuille de bananier. Ces offrandes enveloppées (San-baï-Tong-Klouéi - สานใบตองกล้วย) le sont par quelques femmes du district de Mae Hia.
Les deux plateaux destinés au Sudeva Rishi qui est irrémédiablement ... végétarien ne contiennent pas le moindre morceau de viande.
Aux alentours :
Parallèlement à la cérémonie, abrités sous une bâche semblable à celle des musiciens et des moines, derrière quelques cuiseurs ou bouent les Tom Kwai (ต้มควาย) ou soupe de viscères, une vingtaine d'hommes s'affairent et surveillent les cuissons. Car après le rite d'aucuns auront droit à une soupe.
La cérémonie prend fin.
Photo 1 : Le médium en cours de démonstration.
Sur la photo, on le voit tendre la main pour attraper le morceau de chair qui lui est destiné. Il ne va en manger qu'un tout petit morceau. (Le médium n'aimerait-il pas la viande crue ?!... un comble ?!...)
Photo 2 : Le médium après avoir accompli quelques ... "performances" au moyen du buffle, en se roulant sur lui, lui attrapant les cornes, est allé se ... "reposer" ... entre les deux branches d'un arbre situé tout au fond de l'aire de représentation. S'il a pu grimper sur l'arbre sans difficulté, par contre la descente a été plus laborieuse. Heureusement les notables étaient là pour lui tendre la main et l'aider à retrouver le plancher des ... buffles. Quant au buffle sa "mission" étant terminé, il était resté sur sa dalle, comme abandonné de tous.
Photo 3 : Tandis que le médium, avant de regagner ses pénates, est assailli pour donner des numéros de loterie gagnants, les moines de leur côté nouent autour du poignée des spectateurs un fin cordon de coton qui a été "consacré" par le médium avant d'apparaître en public et alors qu'il était en transes dans son pavillon. Ces bracelets en coton ou "Faï-Phouk-Khomu" (coton-noué-poignet - ฝ้ายผูกข้อมือ) sont censés protéger des mauvais esprits ceux qui les portent. Alors ce fut la ruée .... mais en bon ordre.
(Toutes ces photos ont été prises le Samedi 16 Juin 2016)
En conclusion :
Dans les temps les plus reculés les Lawas ont élaboré une culture en harmonie avec leur environnement. C'était un animisme ou les esprits étaient ... "rois".
Les môns et les khmers ont quelque peu bousculé cette culture au point de défaire les plus grands royaumes, celui du Doï Tung et celui du Doï Suthep.
Ensuite, les t'aïs descendus de la chine du Sud, dans un premier temps se sont associés avec les Lawas, et même "mariés". Il est beaucoup question de rois et de vice-rois dans les chroniques, c'est-à-dire d'une double gouvernance avec un chef Lawa et un chef T'aï.
Puis dans un second temps, ces T'aïs ont pris le dessus et se sont appropriés la culture Lawas parce qu'il n'avait pas mieux et qu'elle répondait à leurs craintes et à leurs superstition. Mais les racines de cette culture restaient Lawas d'où une certaine nécessité de se concilier, au cours des siècles, le concours de ceux qui "savaient" et avaient un certain "pouvoir" sur les esprits ... c'est-à-dire les Lawas.
Enfin, ou presque, le bouddhisme est arrivé mais sans pouvoir éradiquer les cultes animistes, alors bon gré mal gré il a préféré collaborer avec eux.
Liang dong est donc un rite hérité des "Lawas", teinté de bouddhisme. Il s'accomplit en sacrifiant un animal, soit un buffle, un porc, ou des poulets, sur des chants palis dits par des moines.
Ce rite se célèbre avec le concours du sangha de la région et jusqu'au début du XXe siècle avec la "bénédiction" ou l'adhésion royale du roi de Chiang-Mai. Aujourd'hui il est l'affaire du district de la municipalité de Mae Hia.
L'objet de ce rite agraire consiste à se concilier les bonnes grâces des esprits, entre autres : Pu Saeh et Ya Saeh, pour qu'en échange ces derniers agissent en faveur des populations qui les ont comblées d'offrandes.
Les demandes sont d'ordre matériel :
- faire pleuvoir en suffisance pour que les récoltes de riz soient bonnes et abondantes, ce qui correspond à la formule : "prier le ciel pour demander la pluie" (kho fa kho fon - ขอฟ้า ขอฝน).
- éloigner les calamités naturelles pour que les populations ne souffrent pas et vivent heureuses, conformément à l'adage "Vivre bien et être heureux" (yu di mi Suk - อยู่ดีมีสุข).
A notre époque, si ces requêtes sont peut-être encore à l'ordre du jour, les gens présents sur les lieux du rite viennent aussi et peut-être surtout, dans l'espoir d'obtenir les numéros gagnants de la loterie donnés par le médium, et repartir avec un bracelet de coton pour être protégés des Maras, c'est-à-dire des mauvais esprits en un mot ... des démons.
Donc le rite n'a plus la même résonnance qu'autrefois les besoins, avec la vie moderne, ne sont plus les mêmes. Cependant la croyance aux esprits est toujours aussi vivace. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les indigènes dont les tatouages et les amulettes les protègent d'une quantité de dangers, qui ne sont autres que des esprits malfaisants. Quant aux maisons des esprits il est bien rare qu'un habitat n'en n'ait pas.
Pour que le mythe de Pu saeh et Ya Saeh, et le rite qui lui est attaché, ne sombrent dans dans l'oubli, mais aussi - peut-être - pour soigner l'image du district de Mae Hia les édiles de ce district envisagent la construction d'un "ouvrage" à l'intention de Pu Saeh et de Ya Saeh !....
Avec ce projet et tous les embellissements en cours dans la ville de Chiang-Mai, je crains qu'au fils des ans la cité ne se transforme en parc d'attractions géant ... Hélas !...
Dans les temples le tourisme prend le pas sur la prière et le recueillement. Il suffit pour s'en convaincre de gravir la pente du Doï Kham que ... je ne reconnais plus. Les marchands du temple ont envahi les lieux et, tous mes compliments à celui qui parvient à se recueillir dans l'infernal brouhaha.
Bref !... en raison de ce qui précède je doute, que dans les années à venir, que le rite de Pu Saeh et de Ya Saeh reste ce qu'il est ; car le jour ou des cars viendront avec leur chargement de visiteurs ce rite risque d'échapper à ses "gardiens" et de virer au grand guignol, alors qu'il est encore d'une grande naïveté et un tantinet empreint d'une ferveur populaire étonnante de la part des indigènes.
Mais peut-être que les esprits Lawas et leurs "délégués" sur terre veillent pour qu'il en soit ainsi et ... qu'il en reste ainsi !.... du moins je l'espère !...
Alors tout est bien qui fini bien.
Avant fin juin 2016 le coût de ce projet était estimé à 126.000 bahts; soit environ 3.150 €uros. Mais comme en France, c'est vraisemblablement un mal mondial, fin septembre l'estimation atteingnait 156.000 bahts, soit environ 3.900 €uros.
Quelques explications sur le projet :
- Tout en haut, le prix de chacune des constructions.
- Tout en bas les noms des premiers donateurs avec le montant de leur don. Libre à vous de rajouter le vôtre.
Une fois n'étant pas coutume, je dédie cette chronique à Monsieur Jacques Barbery, un "membre" de ce blog qui suite à un courrier m’avait conseillé d'aller faire un tour au Wat Doï Kham et à un musée sur la route d'Hang Dong, le "Bann Roï An Phan Yang" (บ้าน ๑๐๐ อัน ๑๐๐๐ อย่าง - Maison au 100 trucs et au mille manières), un musée ... bizaroïde !...
Je suis donc retourné au Wat Doï Kham, et je vais y retourner car une nouvelle image à été construite : un grand bouddha debout.
Donc, suite à cette re-re-re-visite je me suis mis à écrire une chronique concernant ce Wat. Rude tâche car, plus j'écrivais et plus j'avais à écrire. Alors j'ai fini par me concentrer sur l'une de ses particularités, à savoir ...Liang Dong. Les autres ... particularités feront l'objet d'un chronique en propre.
Monsieur Jacques merci pour votre bon conseil car Liang Dong m'a passionné. J'espère qu'il en a été de même pour vous, et pour le lecteur qui a parcouru ces lignes.
Jean de la Mainate – Avril/Septembre 2016
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